Abououoba

Abououoba

Militaires incarcérés : Le constat des défenseurs des droits humains

Militaires incarcérés : Le constat des défenseurs des droits humains

mardi 4 octobre 2011


Le vendredi 23 septembre 2011, les organisations de défenseurs des droits humains ont organisé des visites des sites de détentions des forces armées afin de se rendre compte des conditions de détention des militaires incarcérés.Publicité

 

Initiées par le Mouvement burkinabè pour l’émergence de la justice sociale (MBEJUS), en collaboration avec la Ligue pour la défense de la liberté et de la justice (LIDEJEL), le Réseau Burkinabè pour la Défense des Droits de l’Homme (REBUDH), l’association SOS pénitencier, le Réseau des Organisations de la Société civile pour le Développement (RESOCIDE), ces visites ont concerné la Maison d’arrêt et de correction des forces armées (MACA) et la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO).

Les visites, auxquelles ont participé l’Ambassadeur des Pays-Bas, Son Excellence Monsieur Noorman Erns, accompagné de son Premier conseiller, ainsi que trois (3) membres de l’Ambassade des Etats-Unis d’Amérique, avaient pour objet de se rendre compte des conditions de détention des militaires incarcérés. Plusieurs journalistes accompagnaient la délégation afin de couvrir l’activité.

La première étape des visites a eu lieu à la MACA sise au sein du Camp Aboubacar Sangoulé Lamizana à Gounghin. Les défenseurs des droits humains ont été reçus par le Régisseur, le Capitaine Traoré San Aly et son staff en entier. La visite a commencé par un entretien avec la direction de la MACA au cours duquel le premier responsable des lieux a présenté son institution.

La présentation a porté sur la structure, l’historique, le statut et le fonctionnement de la MACA a permis aux visiteurs et aux journalistes de poser de nombreuses questions sur l’organisation de la MACA. Cet entretien a permis de se rendre compte de l’insuffisance des moyens, en particulier logistiques et sanitaires, qui handicapent le fonctionnement de la maison d’arrêt rendant difficiles les conditions de détention des pensionnaires.

Cent dix-huit (118) pensionnaires occupent la MACA dont sept (7) jeunes filles âgées de dix-huit (18) à vingt-deux (22) ans toutes en provenance de Bobo-Dioulasso. La MACO abrite cent soixante-huit (168) détenus militaires pour manque de place à la MACA dont la capacité d’accueil est de 128 pensionnaires. Les détenus sont des militaires régulièrement mis aux arrêts pour divers délits, mais dont le plus gros contingent est constitué de militaires arrêtés dans le cadre des mutineries dans les garnisons au mois de mars et d’avril 2011.

Les directions des deux maisons d’arrêt ont été très accueillantes et ont répondu à toutes les questions des visiteurs. Ceux-ci ont également eu la possibilité de poser toutes les questions qu’ils souhaitaient aux détenus.

Ensuite, la délégation a visité les quartiers de détention de la MACA où les détenus sont divisés en sous-officiers, hommes du rang et femmes. Après la visite de la MACA, la délégation s’est rendue à la MACO afin de procéder aux mêmes visites et entretiens.

Les visites ont permis aux défenseurs des droits humains d’établir les constats suivants :

Au plan des conditions matérielles de détention :

A la MACA, les détenus considèrent leurs conditions de détention comme bonnes car ne dérogeant pas aux conditions générales de vie des garnisons du Burkina Faso. Le menu qui leur est servi est le même que celui de tout militaire dans n’importe quelle garnison du pays. Les dortoirs sont propres et très bien entretenus, ainsi que le cadre de vie extérieur.

Les détenus passent l’essentiel de leurs journées entre les dortoirs, les promenades et le sport l’après-midi. Les visites des familles ont lieu les samedis matins.

A la MACO, les conditions sont nettement moins bonnes, étant celles d’une maison d’arrêt caractérisée par la surpopulation et la vétusté des bâtiments. Le jour de la visite, la MACO comptait 1.512 prisonniers. Le menu des militaires est néanmoins différent de celui des civils et provient de la MACA. Aucune femme militaire n’est détenue à la MACO.

Au plan sanitaire

La MACA ne dispose pas de dispensaire. Les détenus sont suivis par un médecin militaire qui a été récemment nommé mais ne dispose pas de bureau dans les locaux de la MACA. Il organise des visites régulières auprès des détenus ou sur appel du personnel de la maison d’arrêt. Les cas urgents sont traités à l’infirmerie du Camp Aboubacar Sangoulé Lamizana. Il est à préciser cependant que les frais de médicaments sont à la charge entière des détenus. Au moment des entretiens, un détenu s’est plaint d’avoir signalé son état de maladie depuis vingt-quatre heures mais sans avoir encore été pris en charge.

Quant à la MACO, elle dispose de trois (3) infirmiers brevetés pour les 1.512 prisonniers, soit la population d’un Centre de santé et de promotion sociale (CSPS).

La question sanitaire est donc un des points noirs de la détention des militaires.

Au plan des procédures

Sur les 286 détenus, seuls huit (8), incarcérés à la MACA, sont condamnés. Les militaires concernés par les mutineries n’ont jusqu’à présent reçu aucune information sur leur situation judiciaire. La plupart savent seulement que leur contrat avec l’armée a été résilié. Ils n’ont pas été visités ni entendus par le procureur militaire. Cette absence d’information joue sur le moral des détenus et constitue un problème de droits car la plupart semble avoir pris conscience de la rupture du lien professionnel avec l’armée et voudrait passer à autre chose. Certains évoquent l’éventualité même la reprise de leurs études. Mais ignorant de leur sort, ils rongent leur frein et beaucoup commencent à être gagnés par l’impatience et l’angoisse.

Au plan social

Les détenus militaires ne bénéficient pas d’un accompagnement dans le cadre du renouement des liens avec leurs familles, ce qui ne favorise pas leur prise en charge psychologique et psychique

Le statut de détenus leur interdit d’avoir des communications téléphoniques. Les nombreux détenus, qui sont venus des garnisons de l’intérieur (Dédougou, Bobo- Dioulasso, Tenkodogo, Dori, Fada N’Gourma, etc.), n’arrivent pas à obtenir des autorisations de visites de leurs familles, souvent par manque de moyens de celles-ci. Ce manque d’information et de contact altère le moral des détenus.

Un autre sujet d’importance reste à résoudre. L’ARRETÉ n°2011- 160 /MDNAC/CAB (N°281/MDNAC/CF du 7/7/2011) portant résiliation de contrats de militaires des Forces Armées nationales donne un nombre de 566 militaires licenciés tandis que les centres de détention ne compte que 268. On peut alors se demander pourquoi les 298 autres ne sont pas aux arrêts. Les militaires détenus ressentent cela comme une injustice s’il est avéré que ceux qui ont été licenciés sont tous reconnus coupables de troubles et d’insubordination.

La visite des défenseurs des droits humains a été chaleureusement reçue par les détenus qui ont manifesté leur reconnaissance au groupe. Avec émotion, ils ont remercié leurs visiteurs en expliquant que comme cela, ils ne se sentent pas rejetés de tous.

Cette visite était une tâche difficile et ingrate mais qui devait être faite.

Recommandations

Au vu des éléments constatés dans les deux maisons d’arrêt, le groupe des défenseurs des droits humains recommande aux autorités militaires et politiques :

- Un traitement plus rapide de l’instruction des cas de détention et des décisions judiciaires clarifiant la situation des détenus ;

- Une clarification de la situation de tous les militaires concernés par les mouvements du premier semestre 2011.

- L’ouverture d’un service social à la MACA pour prendre en compte les préoccupations sociales des détenus.

Fait à Ouagadougou, le 26 septembre 2011

L’Observateur Paalga



05/10/2011
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 3 autres membres