Abououoba

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Des voix contre des céréales

De tout temps, les hommes ont exploité la misère de leurs semblables pour parvenir à leurs fins : la conquête du pouvoir et l’acquisition de richesses. Dans l’Antiquité comme dans les temps modernes, le blocus est la technique la plus utilisée pour venir à bout de la résistance de l’ennemi. Il consiste à empêcher l’approvisionnement en céréales pour affamer les populations, et en eau pour les assoiffer. Privées d’eau et de nourriture, elles sont contraintes de se rendre, de se soumettre. La privation de ces deux éléments : l’eau et la nourriture est déterminante dans la victoire. Le blocus le plus célèbre du 20 ème siècle fut celui de Berlin qui dura du 24 juin 1948 au 12 mai 1949. Mais ce blocus causa moins de pertes en vies humaines que celui de Sabra et Chatila imposé par l’armée israélienne à ces deux camps de réfugiés palestiniens au Liban en 1982. Pendant ce blocus, du 16 au 18 septembre 1982, l’armée de l’Etat hébreu, sous la conduite de l’actuel Premier ministre Ariel Sharon se livra à une extermination des réfugiés palestiniens. De nos jours, les techniques n’ont guère varié. Elles ont été stylisées, perfectionnées. On les pratique sous des formes plus raffinées et d’une efficacité déconcertante. L’objectif demeure le même : profiter de la détresse des hommes pour leur arracher quelque chose. En Afrique, plusieurs gouvernements ont utilisé la famine pour réduire à la soumission des mouvements rebelles ou simplement des populations qui leur sont hostiles. Le président ivoirien Laurent Gbagbo bloqua pendant plusieurs jours les fournitures d’électricité et d’eau dans le but de contraindre la rébellion à la soumission. une crise ou une pénurie céréalière en année électorale peut être du pain béni pour le pouvoir en place. En périodes électorale, les régimes monnaient des voix, c’est-à-dire qu’ils achètent des voix avec les céréales. Les aides alimentaires sont distribuées en fonction de règles qui laissent sur le côté de la voie ceux et celles à qui elles sont réellement destinées. Il y a un mois, le bimensuelL’Evénement a fait un reportage sur une distribution de vivres dans la Région du Sahel, une des plus touchées par la mauvaise campagne agricole passée. Dans cette région, l’invasion acridienne a rendu la situation plus catastrophique aussi bien pour les hommes que leurs animaux. Le reportage a démontré qu’un grand nombre de sacs de céréales a disparu entre les mains de responsables du parti majoritaire. A la suite de cette publication, l’opinion espérait une réaction des autorités au niveau de la Région, ou au niveau central. L’attente dure toujours. Et ce qui est toléré au Sahel le sera au Centre, à l’Est, à l’Ouest, au Sud et au Nord. Il n’y a pas à se voiler la face pour le dire : les céréales vont constituer un enjeu capital dans la campagne pour l’élection présidentielle du 13 novembre 2005. Le 11 avril dernier, Salif Diallo, le tout puissant ministre d’Etat, ministre de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques a donné une conférence de presse sur la situation alimentaire de certaines régions du Burkina. Le ministre Diallo a dit qu’une somme d’un milliard cinq cent millions ( 1 500 000 000) francs a été débloquée par le gouvernement pour l’achat de neuf mille cinq cents (9 500) tonnes de céréales pour venir en aide aux populations sinistrées de la dernière campagne. Une grande partie de ces grains sera vendue à un prix social de 10 000 francs le sac de 100 kilogrammes. Sur le marché, les céréales qui sont entre les mains des spéculateurs se discutent à 17 500 voire 22 500 FCFA les 100 kilogrammes. Lors de sa conférence de presse, le ministre de l’Agriculture a promis de sanctionner les commerçants qui se livreraient à des spéculations. Ils se verront retirer leur agrément de commerçants de céréales. Et comme la plupart du temps ces affameurs des populations agissent de concert avec des fonctionnaires véreux, Salif Diallo a menacé de « licenciement sec sans passage par le conseil de discipline tout fonctionnaire contrevenant aux mesures gouvernementales ». Ce que le ministre de l’Agriculture oublie, ou ce qu’il semble ignorer, c’est que dans l’administration burkinabè, aucun fonctionnaiore n’a peur de sanctions aujourd’hui. Parce qu’il n’y en a jamais. de temps à autre, on sanctionne de petits pécores, histoire de donner l’exemple. Parce que les fonctionnaires sont des militants du CDP et chacun d’eux, qu’il se trouve à Batié ou à Falagountou a un parapluie à Ouagadougou qu’il lui suffit d’actionner pour couvrir ses malversations. Personne ne doute de la sincérité du ministrte Salif Diallo. Ils sont nombreux les citoyens qui aimeraient l’accompagner dans sa croisade contre la spéculation céréalière faite sur les stocks du gouvernement. Mais ce qui leur est donné couramment lieu de voir les rend sceptiques. N’est-ce pas une réalité que dans certains départements et provinces, le délégué administratif du village et des fonctionnaires subalternes sont mieux écoutés par le parti que le Préfet et le Haut commissaire ? Ce sont eux les vrais détenteurs du pouvoir et le Préfet et le Haut commissaire n’ont qu’à se la boucler s’ils ne veulent pas d’histoire. Les hommes politiques installés dans la capitale, ceux qu’on appelle les fils du terroir se sont illustrés très négativement par leurs intrusions tous azimuts dans le fonctionnement de l’administration locale. Certains d’entre eux ont imposé la présence de voleurs à leur entière dévotion dans les conseils municipaux. Le ministre de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques promet de retirer les agréments aux commerçants de céréales notoirement reconnus de faire de la spéculation, de rétention de stocks ou de fraude sur les prix des céréales. En règle générale, au Burkina Faso, les opérateurs économiques, les commerçants, grands ou petits ont travaillé, travaillent et travailleront pour le Congrès pour la démocratie et le progrès et la réélection triomphale de Blaise Compaoré qu’ils invitent par des marches à se présenter à la prochaine élection présidentielle, comme si l’homme avait déjà déclaré qu’il n’était pas candidat. Ces « noprateurs » économiques financent les activités du CDP et actuellement les marches dans les provinces. Alors, comment le CDP peut-il couper la branche sur laquelle est accrochée sa puissance ? Ne rêvons pas ! Monsieur le ministre, personne ne peut mettre en doute votre sincérérité et votre détermination à lutter contre la corruption dans votre secteur. Seulement sachez que tant que aurez dans vos rangs des hommes qui ne tolèrent pas qu’on se plaigne de la cherté du prix de l’essence sous le prétexte qu’on ne produit pas de l’essence à Koupéla ; tant que vous cheminerez aves des hommes qui déclarent sur les antennes de la Radiodiffusion télévion du Burkina qu’il faut cesser de secourir les populations du Sahel parce qu’elles ne travaillent pas, votre combat est voué d’avance à l’échec. Savez-vous pourquoi ? C’est parce que vous n’avez pas la même perception des intérêts des Burkinabè. Et pour longtemps encore !

 

 

Talato Sîîd Saya
 



15/08/2011
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