Abououoba

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Lettre à Norbert Zongo

Cher H.S.

La hiérarchie militaire a décidé de sévir sur les soldats qui se sont illustrés lors des mutineries des mois de mars et d’avril. 566 militaires des différentes garnisons ne font plus partie de l’armée. Pour les plus chanceux, leur contrat sera résilié et ils auront leurs droits légaux. Pour d’autres, ils devront répondre devant les tribunaux de leurs actes. A en croire la hiérarchie militaire, la liste des 566 militaires n’est qu’une première. D’autres viendront par la suite, puisque les enquêtes se poursuivent pour identifier ceux qui faisaient la loi la nuit tombée dans les villes du pays.

Il faut dire que cette décision a quelque peu surpris nombre de Burkinabè. Ils s’attendaient en effet à ce qu’après avoir effectué ’’une légère augmentation de la solde’’ des militaires, selon l’expression de l’intendance militaire, les choses en restent là. Mais les responsables militaires prenaient leur mal en patience attendant le moment propice pour montrer aux soldats du rang qu’ils ont tout de même des supérieurs prêts à sanctionner leur indiscipline.

Pour prendre une telle décision, la hiérarchie militaire s’est certainement assurée d’avoir récupéré toutes les armes en possession des mutins et qu’ils ne soient plus en mesure d’avoir accès à ces armes. Mais pouvait-il en être autrement ? Le Président du Faso et son gouvernement tiennent beaucoup à l’image du Burkina à travers le monde. Il faut dire qu’avec les mutineries, cette image a pris un coup. De tels actes laissent penser que le gouvernement est dans l’incapacité de gouverner le pays. N’est-ce pas d’ailleurs à cause de cette incapacité à assurer la sécurité des biens et des personnes que les partis de l’opposition affiliés au chef de file ont demandé la démission du Président du Faso ?

C’est donc une revanche que la IVème République a pris sur les mutins. Les Burkinabè peuvent-ils vaquer en paix à leurs occupations et tourner la page des pillages et couvre-feu ? En ce qui me concerne, ils le pourront pour un bout de temps car le véritable problème aujourd’hui, ce ne sont pas des militaires indisciplinés qui sèment troubles et désordre mais c’est plutôt le système qui les a secrétés. Tant que ce système demeurera, la paix sociale peut être mise à rude épreuve à tout moment et par qui que ce soit. Prenons l’exemple de la justice. On avait promis que le dossier Justin Zongo connaîtra un début de jugement en fin juin. Nous sommes à la moitié de juillet et toujours pas de nouvelle. Avait-on besoin de fixer une date pour le jugement de cette affaire si on savait qu’il y a peu de chance que ce délai soit respecté ? En fait, on voulait calmer les élèves qui n’arrêtaient pas de mettre la pression. Maintenant qu’ils sont en vacances ou préoccupés par les examens, le dossier suit le rythme habituel que la justice burkinabè réserve à ses dossiers sensibles en attendant que les manifestations bruyantes des scolaires reprennent.

Cher ami, je vais te parler des travaux du Conseil consultatif sur les réformes politiques (CCRP). Comme je te le disais dans ma précédente lettre, les travaux de ses 68 membres ont effectivement pris fin. Il y a eu des points de consensus et des points qui n’ont pas fait l’objet de consensus. Parmi les premiers points, il y a la création du Sénat. Un argument développé pour soutenir la création du Sénat, c’est qu’il pourrait contrebalancer une Assemblée nationale dominée par le parti au pouvoir. S’il y avait un Sénat, a soutenu un des membres du CCRP, la loi impopulaire que fut la Taxe de développement communale (TDC) n’aurait pas passé. Quant au coût financier de cette institution, une solution est de supprimer le Conseil économique et social (CES) qui est une institution qui donne des avis techniques, tout comme le feront les départements ministériels et la Présidence du Faso, ont fait savoir les conseillers. Le CES peut donc être supprimé sans souffrance ? Pendant des années, on s’est bien demandé l’utilité d’une telle institution avec ses conseillers qui crèvent les finances publiques. Pour revenir au Sénat, a-t-on vraiment besoin de ce cadre pour sortir la démocratie burkinabé de l’ornière ? Les maux de la politique burkinabè peuvent se résumer en deux points : le manque de sincérité des acteurs politiques et le ’’tube-digestivisme’’.

Un des points qui n’a pas fait l’objet de consensus est l’article 37. Si selon la feuille de route des réformes politiques et institutionnelles, seuls les points consensuels seront mis en œuvre, il reste que ceux non consensuels seront aussi au centre des assises nationales. Comme je te le disais dans une de mes lettres, la logique aurait voulu que les points non consensuels soient mis au placard et l’attention devrait se focaliser sur les points de consensus. Donc, à mon sens, on n’est pas encore sorti de l’auberge en ce qui concerne l’article 37. Qui dit par exemple qu’on ne va pas décider de ’’sacraliser’’ cette clause limitative du nombre de mandat présidentiel et après que les constitutionalistes de service nous fassent comprendre que cette nouvelle disposition ne s’applique pas au mandat en cours de Blaise Compaoré ? Cela est déjà arrivé dans le passé. Retenons notre souffle jusqu’aux assises nationales pour y voir clair sur le sort de l’article 37.

Je vais terminer ma lettre par une triste nouvelle. Mon ami, l’ex-président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Moussa Michel Tapsoba n’est plus. Il est décédé suite à une maladie. Après 10 ans passé à la tête de cette institution, il a fait l’objet de contestation de la part des commissaires de l’opposition politique et finalement s’est vu débarqué de la CENI par un projet de loi adopté par l’Assemblée nationale. Que la terre du Faso lui soit légère !m

Par ton ami Kouma Fola Kan de Bendré.



15/08/2011
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