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Législatives et municipales couplées : Qui va payer le prix de la biométrie ?

Législatives et municipales couplées : Qui va payer le prix de la biométrie ?

vendredi 11 novembre 2011

Après l’inacceptable cafouillage de novembre 2010, la classe politique burkinabè veut désormais des « élections propres ». Après avoir exigé et obtenu une nouvelle équipe à la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), le débat est désormais tourné vers la mise en place d’un fichier électoral biométrique. Aussi, en voulant contenter une faune politique de plus en plus exigeante, le gouvernement s’est engagé pour l’option de la biométrie. Avant même d’en évaluer véritablement le coût. Et surtout de s’assurer s’il a les moyens techniques et financiers de la mettre en œuvre dans un délai raisonnable. Qui va payer le prix de la biométrie ? C’est la grande question qui risque de plomber ce projet d’élections législatives et municipales couplées qui, à force de voler de report en report, peine à se trouver une date fixe et clairement affichée.

Selon les indiscrétions qui se distillent autour de l’agenda de la Ceni, la prochaine date serait fixée au 11 novembre 2012. Une programmation qui est supposée laisser suffisamment de temps pour les nombreux réglages nécessaires afin de sortir du cercle vicieux de la précédente présidentielle. Mais ce délai sera-t-il suffisant pour passer à la fameuse biométrie que majorité et opposition ont réclamé à cor et à cri, et que le pouvoir a cru bien faire de valider pour se donner bonne conscience ? Rien n’est moins sûr. Après l’enthousiasme suscité par cette option, il faut maintenant se donner les moyens de sa mise en œuvre. Et c’est là où le bât va blesser.

A en croire le projet de budget déposé sur la table de la Commission des Finances et du Budget (Comfib) de l’Assemblée nationale, la Ceni aurait exprimé un besoin de financement estimé à 43 milliards 734 millions 429 mille francs. Une prévision apparemment colossale, mais à laquelle il faut évidemment intégrer ce qu’il convient désormais d’appeler « budget recensement électoral version biométrique ». Celui-ci est provisoirement estimé à 29 milliards 582 millions 399 mille francs CFA. Quand on sait que sur les quelque 14 milliards mobilisés pour l’organisation de la dernière élection présidentielle, seulement 10 milliards ont été effectivement dépensés par la Ceni, on imagine que c’est un gros effort qui est demandé à l’Etat cette fois-ci. En cette période de vaches maigres et de récession économique où le centre des priorités s’est déplacé vers les besoins pressants de sécurité alimentaire, on se demande par quelle gymnastique on va casquer la bagatelle de 44 milliards nécessaires pour ce scrutin.

Certes, l’organisation d’élection s’est imposée aujourd’hui comme un devoir de souveraineté dont on ne peut plus se dérober au risque de compromettre l’incontournable légitimité des personnes et des institutions qui nous gouvernent. Mais de là à être obligé de racler le fond du grenier public pour sacrifier à ce rituel qui laisse les populations de plus en plus indifférentes, il y a peut-être un pas à ne pas franchir. Les élections ne sont-elles pas devenues tellement budgétivores qu’il faille s’arrêter pour en évaluer le sens véritable ? Peut-on parler d’acquis véritables pour tous ces scrutins que le Burkina peut se targuer d’avoir tenus sans discontinuer ? Au-delà des sempiternels débats de transparence qui ont toujours eu lieu à la veille d’échéances électorales, force est de constater qu’on n’est pas sorti de l’auberge.

La question véritable demeure celle de la fiabilité du fichier électoral. En la matière, force est de reconnaître qu’on a tourné en rond sans résoudre véritablement le problème. Les politiciens ont fait beaucoup de palabres sans véritablement toucher le vrai problème. Au lieu de s’y attaquer, ils ont préféré s’accrocher à des détails comme ceux du « fichier unique », de « l’indépendance » de la Ceni ou de sa composition tripartite, etc. L’opposition et la société civile, pour ne parler que d’elles, ont trop souvent pris l’ombre pour la proie.

Pendant ce temps, le ventre mou du système électoral burkinabè demeure un état civil dérisoire, voire inexistant par endroits. Et aussi longtemps qu’on ne se dotera pas d’un fichier d’identification fiable, on continuera de mettre la charrue devant les bœufs. Aussi longtemps que ce sera ainsi, les milliards qui sont précipitamment recherchés et engloutis à la veille de chaque scrutin ne suffiront jamais à régler le problème de la fiabilité du fichier électoral. Il ne sert à rien de courir, il faut partir de bon pied. Cela passe nécessairement par la mise en place d’un état civil, fondement de tout fichier électoral fiable. Pour y arriver, il faudra sortir de l’urgence qu’impose le temps des élections. Mais probablement le prix à payer pour sortir du cercle vicieux.

Mais le gouvernement, la Ceni, la classe politique et la société civile sont-ils prêts à relever le défi de l’état civil avant de passer au fichier biométrique ? Telle est la grande question qui devrait faire l’objet d’un débat sérieux et sincère entre ces différents acteurs. Il faudra qu’ils arrivent à trancher définitivement cette question soit en s’investissant simultanément dans la constitution de l’état civil et du fichier électoral, soit dans le seul fichier électoral biométrique. La première option prendra plus de temps et pourra même nécessiter un autre report des élections. Mais n’est-il pas finalement mieux de se donner les moyens et le temps de repartir sur de bonnes bases que de continuer à subir l’épreuve de Sisyphe qu’est devenue la constitution d’un fichier électoral digne d’un pays qui se veut démocratique ?

F. Quophy

Journal du Jeudi



06/12/2011
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