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La crise de 2011 vue et analysée par le Ministère de la communication

La crise de 2011 vue et analysée par le Ministère de la communication

dimanche 4 novembre 2012

 

Initialement publié par Doulbil Business en août 2011, le livre « Burkina Faso, les opportunités d’un nouveau contrat social ; facteurs et réalités de la crise », vient d’être édité par l’Harmattan et mis en librairie début octobre. L’œuvre qui comporte 129 pages, a été rédigée par une équipe du ministère de la Communication sous la direction du ministre lui-même, Alain Edouard Traoré et est préfacée par le premier ministre, Luc Adolphe Tiao.La crise de 2011 vue et analysée par le Ministère de la communication

Comme son titre l’indique, les auteurs du livre reviennent sur la crise sociale et militaire qui a secoué le Burkina durant le premier semestre de l’année 2011. Ils y soulignent son caractère inattendu, brusque, la rapidité avec laquelle elle s’est répandue dans toutes les provinces du pays, ses conséquences économiques et en termes d’images pour le Burkina, analysent la manière dont elle a été gérée par les autorités et surtout, insistent sur les enseignements à tirer pour éviter que de tels soubresauts ne se produisent à nouveau.

Bref rappel des faits. Début janvier 2011, une banale altercation oppose Justin Zongo et Alimata et Zongo, deux élèves dans un collège à Koudougou, une ville située dans le Centre-ouest, à 100 km de la capitale. Pour avoir administré une claque à sa camarade de classe, Justin Zongo est convoqué à plusieurs reprises au commissariat de police pour s’expliquer. L’interrogatoire plus que musclé qu’il y subit lui sera fatal quelques semaines plus tard. Selon les autorités sanitaires et administratives de la région, il serait mort de méningite, une thèse réfutée par les élèves, convaincus que leur camarade a succombé aux mauvais traitements subis dans l’enceinte du commissariat. Les premières manifestations organisées le 22 février par les élèves de Koudougou pour réclamer « vérité et justice » pour leur camarade vont vite gagner les autres villes, occasionnant à chaque fois des casses, incendies et courses poursuites avec les forces de l’ordre.

C’est dans ce climat social déjà délétère que des militaires se mutinent le 22 mars contre la condamnation par un tribunal civil de leurs frères d’armes à 12 et 15 mois d’emprisonnement pour « outrage public à la pudeur, vol, complicité d’outrage public ». Un verdict qui entraine de facto leur radiation des effectifs de l’armée. Comme un effet domino, les mutineries éclatent dans plusieurs autres garnisons accompagnées de scènes de pillage de biens publics et privés. Plus grave, emportés par des pulsions destructrices, des militaires se livrent à des viols sur des femmes, plus d’une vingtaine de victimes à Ouagadougou, Fada N’Gourma, Bobo-Dioulasso, etc.

Le gouvernement de Tertius Zongo qui venait d’être formé début janvier 2011 peine à contenir les manifestations de plus en plus violentes. Son sort sera scellé lorsque les militaires du régiment de la sécurité présidentielle entre dans la danse dans la nuit du 14 avril. Le président Compaoré dissout le gouvernement, rappelle son ambassadeur à Paris, Luc Adolphe Tiao qu’il nomme premier ministre, lequel forme rapidement un gouvernement dit de combat. Objectif : rétablir la paix sociale et redorer l’image du pays au plan international. Des discussions s’ouvrent entre l’exécutif et les organisations de la société civile, les syndicats, les associations de défense des droits de l’homme. Les premières mesures fiscales, sociales et salariales permettent de circonscrire l’incendie social, puis de ramener le calme dans le pays.

Les commerçants victimes de pillages et dont les pertes n’excédaient pas 1 500 000 F CFA bénéficient de mesures d’indemnisation d’urgence avant qu’une commission soit mise en place pour traiter les autres cas d’autres victimes : 1159 victimes en ont ainsi été identifiées et indemnisées à hauteur de 5 612 320 397 F CFA. Au terme de longues discussions, un accord est signé avec les syndicats : sur 44 points de revendication, le gouvernement prend l’engagement d’en satisfaire 23 dont entre autres, l’augmentation de 5% des salaires des agents de la fonction publique à compter du premier janvier 2012, les retraités de la CARFO et la CNSS, le paiement des indemnités de logements et de sujétion à tous les fonctionnaires, le solde des avancements de 2010 et 2011 au 1er et 2e semestre 2012 et la possibilité donnée aux salariés licenciés mais ayant au moins 180 mois de cotisation et qui sont à 5 ans de la retraite à faire valoir leur droit à pension, etc.

D’autres mesures symboliques, qui relèvent davantage de la communication politique que souci de la bonne gouvernance, furent également mises en œuvre, notamment la suppression des cérémonies de présentation des vœux, occasions d’interminables agapes, les cadeaux et autres gadgets de fin d’année.

Plus d’un an et demi après les évènements, le climat social s’est apaisé et les Burkinabè s’apprêtent à se rendre aux urnes début décembre pour des élections municipales et législatives. Le 23 août 2011, au terme d’un procès contradictoire, trois policiers ont été reconnus coupables « de coups mortels et complicités de coups », deux sont condamnés à 10 ans de prison ferme et le troisième à 8 ans. Les militaires sont rentrés dans les casernes après avoir globalement obtenu satisfaction sur l’essentiel de leurs revendications. La hiérarchie militaire semble avoir pris conscience de l’urgence de changer de logiciel en matière de management de la troupe. Vu le profil des nouveaux soldats, les brimades, humiliations infligés aux « petits » et autres abus de pouvoir ne peuvent plus continuer. Fini le temps du commandement exclusivement directif, place au management participatif fondé sur la discipline. « La crise se révèle être finalement comme un accélérateur inattendu pour impulser des transformations majeures et, comme un facteur démultiplicateur de nouvelles initiatives d’accélération de l’essor économique et du renforcement de la démocratie au Burkina », concluent les auteurs du livre, comme si, en creux, ils se livraient à une sorte d’apologie de la crise !

Ils notent surtout les nombreux défis à relever pour le renforcement et le respect des institutions républicaines, puis la consolidation de la démocratie. Parmi ces défis figurent la question de la justice et la lutte contre l’impunité, deux sujets sur lesquels les auteurs du livre insistent sur l’urgence de « corriger les préjugés négatifs sur la justice, restaurer l’indépendance de la justice, l’armer contre les dérives de toutes natures et la débarrasser de la corruption, de la lenteur et de la bureaucratie ». Deux semaines après la publication par le Ren-Lac de « l’inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis au Burkina sur la période 2006-2010 », et sans tomber dans un pessimisme irréversible, il n’est pas interdit de s’interroger sur la capacité de notre système judiciaire à « corriger les préjugés négatifs » qu’a le citoyen sur lui.

Joachim Vokouma, Lefaso.net

Burkina Faso, les opportunités d’un nouveau contrat social ; facteurs et réalités de la crise. Sous la direction du Dr Alain Edouard Traoré, Ministre de la communication ; Ed L’Harmattan, Paris, 2012, 129 pages ; 13 euros




14/11/2012
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