Abououoba

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Koudougou: Justice pour Justin Zongo

Il y a parfois des gens qui, quel que soit le travail d’approche et de séduction que vous faites à leur endroit, ne vous aiment jamais. Ces personnes semblent toujours vous rejeter. On dirait que les dieux et le sort ne les disposent jamais en votre faveur. Tout est fait pour qu’entre vous et ces gens-là, le courant ne passe jamais, les choses n’aillent jamais pour le mieux. Entre Koudougou et Blaise Compaoré, il en est ainsi depuis que celui-ci a pris le pouvoir. Koudougou est la ville rebelle au pouvoir de l’homme fort du pays depuis 1987. Il a pourtant essayé le président du Faso, de montrer sa bonne disposition envers la ville natale du président Maurice Yaméogo, en lançant sa dernière campagne électorale depuis Koudougou. Mais c’est de Koudougou qu’est partie hélas la plus grande crise qui a failli emporter son régime. Faut-il avoir peur de Koudougou ? Faut-il avoir une lecture superstitieuse des évènements qui partent de Koudougou, comme de véritables détonateurs d’une crise nationale ? Le gouvernement semble penser que non et va se retrouver, se rassembler en séminaire gouvernemental sur les lieux du crime comme pour dire qu’il aime cette ville et qu’il veut en changer le destin. Va-t- il rester à la symbolique de cette décentralisation du pouvoir pour une réunion, ou bien va-t-il aller réellement à la source des problèmes que connaît le pays mais dont la ville de Koudougou semble si bien être au diapason des réactions d’oppositions et de contestation ? C’est un lieu commun que de dire qu’entre le président Blaise Compaoré et la ville de Koudougou l’amour n’est pas à la clé. Car à peine réveillé de son « sommeil » qui a vu son ami (le capitaine Thomas Sankara) perdre le pouvoir et la vie un après-midi d’octobre 1987, la plus grosse clameur de protestation, de contestation, de sa prise du pouvoir par le mouvement de rectification est venue de Koudougou à travers le bataillon qui résidait dans cette ville. Les premiers contacts des habitants de Koudougou avec le nouveau pouvoir installé à Ouagadougou ont été ceux d’une ville assiégée et conquise par le fer et le feu. C’est ainsi que le pouvoir de Blaise Compaoré est vraiment né pour les habitants de Koudougou, par le feu et le sang versé des jeunes officiers que leur chef le Commandant Boukary Kaboré dit le lion a abandonné alors qu’il avait publiquement proclamé sa rébellion contre le nouveau régime. L’histoire du massacre de Koudougou est la première plaie béante entre le pouvoir de Blaise Compaoré et la ville de Koudougou. Sur cette affaire comme sur les suivantes, la vérité n’a jamais été dite. Comment pardonner, sans la vérité, comment se réconcilier sans la justice ? Dans les couples on dit souvent que les relations stables et durables se construisent sur la vérité. La sagesse populaire enseigne que les meilleurs sentiments se brisent sur les rochers du mensonge et de l’injustice. Le mensonge, chacun le sait, peut être dans l’omission d’énoncer la vérité, dans le silence coupable sur des faits. Entre Koudougou et le pouvoir du Front populaire comme dans tout le pays, des relations franches et cordiales n’ont pas pu être établies parce que le régime n’a pas pu dire la vérité sur ses actes fondateurs : le régicide du capitaine Thomas Sankara et les assassinats qui ont suivi. L’amour et l’entente cordiale ne prospèrent pas sur le terreau du mensonge et du crime, Koudougou en a été la simple illustration. Dès lors les choses vont être de plus en plus difficile pour le pouvoir de Blaise Compaoré. Comment réconcilier avec un pouvoir aussi mal aimé une ville qui, parmi les premières, a vu jusqu’où ce pouvoir pouvait aller dans l’horreur ? Avec les peuples, dit-on, ce que l’on ne gagne pas avec le cœur, on peut le gagner par le développement. Mais la longue présence de Blaise Compaoré à la tête de l’Etat n’apportera pas plus de développement à Koudougou que dans le reste du pays. Pis, c’est sous Blaise Compaoré que la principale unité industrielle de la ville de Koudougou, Faso Fani va sombrer inexorablement en déversant des milliers d’ouvriers et de travailleurs dans les rues de la ville qui devait son rayonnement et son dynamisme à cette unité. Au premier grief contre le pouvoir naissant de Blaise Compaoré est venu s’ajouter celui de n’avoir rien fait sur le front social contre les licenciements et les fermetures d’usines. Certains nous diront que ce n’était pas à l’Etat de fabriquer des pagnes. On peut aller avec eux sur ce terrain, mais faut il tuer le capital humain pour la beauté d’une telle idée ? Si l’Etat avait lutté contre la corruption et les détournements dans la gestion peut être aurait-il pu se retirer en laissant un bon outil de travail à ceux qui vivaient de leurs efforts au sein de Faso Fani. Mais ni le Front populaire, ni la IVè République n’ont pu sauver Faso Fani de la fermeture et Koudougou traîne dans ses rues des ouvriers de Faso Fani qui réclament encore leurs droits. Justice pour Justin Zongo Un autre traumatisme de la ville de Koudougou avec le pouvoir de Blaise Compaoré est consécutif aux crimes odieux de Sapouy. Quand en 1998, le pays entier s’est soulevé contre les assassinats du journaliste Norbert Zongo, directeur de publication du journal L’Indépendant et ses compagnons. Koudougou sera doublement meurtrie et une mère de la ville pleure depuis le 13 décembre 1998 ses deux fils qui sont partis pour Sapouy et qui n’y sont jamais parvenus. Malgré la mobilisation nationale, le pouvoir n’a jamais fait la lumière sur ses crimes et le seul suspect arrêté a été relaxé. Le peuple burkinabè crie vérité et justice pour Norbert Zongo et Koudougou qui l’a vu naître n’est pas la ville qui crie le moins. Blaise Compaoré va assister à la longue descente aux enfers de la ville et il essaiera en attirant certaines personnalités politiques au gouvernement de casser le mouvement de protestation national « trop c’est trop » et de stigmatiser le Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques. Koudougou qui vit toute chose avec passion, s’illustrera dans le combat que certains partisans jadis dans les rangs du Collectif, vont livrer à leurs anciens camarades, oubliant que de vérité ni de justice ils n’avaient obtenu pour Norbert Zongo. La ville peu à peu se remettait de ses multiples drames qu’elle ne pouvait oublier quand survient encore un autre commis par des policiers sûrs de l’impunité qui a toujours été réservée aux assassins d’élèves et étudiants. Le crime de Justin Zongo est un crime ordinaire dans un Etat d’exception de fait qu’est notre pays où la police et la justice ne se soucient pas du respect de la loi et de la protection des personnes. Les jeunes élèves et étudiants refusent d’accepter le mensonge et que ce ènième crime reste aussi impuni. Il serait dangereux pour le pouvoir maintenant que l’année scolaire semble être sauvé de ne pas juger les assassins de l’élève Justin Zongo. Le pouvoir avait promis de faire le procès en fin juillet. Il ne le fait pas et ne s’en explique pas comme toujours. C’est parce que les autorités refusent de rendre des comptes à la population que chaque fois excédée, elle se révolte et fait des manifestations violentes. Maintenant que les langues se délient et que l’on apprend que ce sont des ministres originaires de Koudougou qui ont monté et fait établir le faux certificat de décès de Justin Zongo par méningite qui a exacerbé la colère des jeunes et de la population, il devient urgent de faire la lumière sur toute l’affaire afin que tout cela serve de leçon et que les fonctionnaires apprennent à travailler pour le peuple et l’Etat en se basant sur la loi et non pour le service du parti au pouvoir. En se réunissant en séminaire gouvernemental à Koudougou, le gouvernement doit revenir à Ouagadougou avec la ferme volonté que la rentrée judiciaire se fasse avec les procès des évènements de Koudougou. Sans cela, la rentrée des classes sera chaude et personne ne pourra contenir les jeunes élèves et étudiants qui ne croient plus en la parole du gouvernement. Le Premier ministre Luc Adolphe Tiao a promis de faire la lumière et que les coupables seront jugés et châtiés, ce sera là son premier test. S’il échoue à faire ce procès à la rentrée, quelles qu’en soient les raisons, il aura perdu l’état de grâce de nouveau Premier ministre, et il sera traité comme s’il était là depuis 1987. Le peuple ne croit plus en la capacité de changer du président Blaise Compaoré. Si ceux qui l’entourent ne forcent pas le changement, le pays court à sa perte. Sana Guy


14/08/2011
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