Abououoba

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« Je suis Troy Davis, et je suis libre !’

« Je suis Troy Davis, et je suis libre !’

En 2008, à la veille de son exécution – finalement repoussée -, Troy Davis, 42 ans, avait fait parvenir une lettre à ses avocats. Elle est dévoilée le jour de son exécution, ce 22 septembre 2011.

Les derniers paragraphes :

« Je veux vous remercier tous pour vos efforts et votre dévouement en faveur des droits de l’homme et de la bonté humaine ; lors de ces dernières années, j’ai éprouvé tant d’émotions, de joie, de tristesse… sans jamais perdre la foi. C’est grâce à vous tous que je suis en vie aujourd’hui (…) Ma soeur Martina me dit (…) qu’elle n’arrêtera jamais de se battre pour me sauver la vie et prouver au monde que je suis innocent de ce crime terrible.

Je suis ému, quand je découvre des mails du monde entier, venant d’endroits que je n’imaginais même pas connaître un jour, de personnes parlant des langues et exprimant des cultures et des religions que je ne pouvais seulement espérer découvrir un jour (…) Ce n’est pas une affaire qui concerne la peine de mort, ce n’est pas une affaire qui concerne Troy Davis, c’est une affaire qui touche à la justice et à l’esprit humain (.Je ne peux pas répondre à toutes vos lettres, mais je les lis toutes. Je ne peux pas vous voir tous, mais j’imagine vos visages. Je ne peux pas vous entendre parler, mais vos lettres m’emmènent aux quatre coins du monde. Je ne peux pas vous toucher physiquement, mais je sens votre chaleur tous les jours que j’existe.

Donc merci, et souvenez-vous que je suis dans un endroit où l’exécution peut seulement détruire votre état physique, mais grâce à ma foi en Dieu, à ma famille et à vous tous, je suis spirituellement libre depuis longtemps, et peu importe ce qui arrivera dans les jours et les semaines à venir, ce mouvement pour abolir la peine de mort, pour rechercher la vraie justice, pour faire éclater un système qui ne réussit pas à protéger ses innocents, doit être accéléré.

Il y a tant d’autres Troy Davis. Ce combat pour abolir la peine de mort ne sera pas gagné ou perdu à travers moi, mais à travers notre force à avancer et à sauver chaque personne innocente emprisonnée à travers le monde. Nous devons démanteler ce système injuste, ville par ville, État par État, et pays par pays. J’ai hâte d’être avec vous, peu importe que ce soit physiquement ou spirituellement, et ce jour-là, j’annoncerai : ‘Je suis Troy Davis, et je suis libre !’ ‘Ne cessez jamais le combat pour la justice, et nous gagnerons !’ »

La justice s’est couchée pour le dernier jour d’un homme

Terrible d’écrire un titre pareil. D’y aller de sa certitude quand il s’agit de la vie de quelqu’un. Ce blog aura dû se faire l’écho de l’appel lancé par Amnesty. Mais trop occupé. Trop attiré par la lumière artificielle de certaines informations, j’ai failli.

Troy Davis est dans la dernière ponctuation de sa vie. Cette nuit, il ne sera plus. Ainsi en a voulu la justice de Géorgie. Elle qui vient de rejeter sa demande de grâce. Même si certaines déclarations, certains indices devraient instiller ce nécessaire doute. Même si son sort a mobilisé individus et personnes morales y compris l’union européenne. Même si Troy Davis est devenu le symbole international de la lutte contre la peine du port.

Cette mort annoncée me rappelle l’histoire de Vamara Kamagaté dont Le Monde et le Canard Enchaîné s’étaient notamment fait l’écho. Mis en taule l’année dernière par la justice française. Vamara Kamagaté avait tout contre lui : sdf, noir, africain et accusé de viol. Qui pour le croire ? Sans argent, il a hérité d’un avocat commis d’office. Un numéro dans la chaîne. Un blasé. Le dossier de Vamara ? Expédié en moins de deux ! Jeté en prison, Vamara répétait en boucle « je n’ai rien fait ! Je n’ai rien fait » ! Il est sorti de cette place où il n’aurait jamais dû être 6 mois plus tard. Prise de remords son accusatrice a révélé le pot aux roses : d’agression sexuelle, il n’y en eut point. Le délibéré de « sa libération » aura duré 5 minutes. La justice estime avoir mené une « enquête de routine » et délivré un « jugement de routine ». Pas de faute donc. Mais une terrible erreur judiciaire. Peu de temps après sa « relaxation », Vamara Kamagaté a été retrouvé mort. En septembre 2010.

Depuis 1991, Troy est dans l’attente de ce jour. Comment se sent-il ? Est-il serein ? Abattu ? Que pense-t-il de ce pays où les circonstances jugent en premier ? A 42 ans, le compte est bon : 20 années en prison. Près de la moitié de sa vie. 20 années à attendre ce moment. Sans trop y croire. Par trois fois (17 juillet 2007, 23 septembre 2008, 27 octobre 2008), le moment fatidique a pu être repoussé. Mais même les miracles s’épuisent ! Ce soir, dans une prison de Georgie, des hommes tueront un autre homme, au nom d’une certaine idée de la justice.

La justice a souvent la rigueur et l’implacabilité de la sécheresse extrême. Surtout quand elle est américaine. Qu’elle concerne les personnes défavorisées. Qu’elle implique le meurtre d’un policier. De surcroît blanc. La messe est alors dite !

Que dire qui n’ait été martelé depuis 1991 ? Que faire ? Faut-il s’incliner devant une décision sur laquelle pèsent de nombreux et légitimes doutes ? Regretter que l’Amérique soit encore arc-boutée sur une peine aussi rétrograde ?  L’impuissance tenaille. Elle me fait enrager.  On ne compense pas un assassinat par une exécution. Une exécution ! Un mort de trop !

Demain, une aiguille va injecter à Troy Davis le mortel poison. Et puis ce sera fini ! Ce n’est pas Troy Davis que l’on va exécuter. Mais une certaine idée de l’humanité. Une triste, sordide défaite amère.



30/09/2011
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