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REFORMES POLITIQUES AU BURKINA FASO : Le message ambigu de Blaise Compaoré

Le flou artistique qui a enveloppé le discours du président du Faso concernant les conclusions des travaux du Conseil consultatif sur les réformes politiques (CCRP) n’en finit pas de susciter des commentaires. Blaise Compaoré a tenu des propos on ne peut plus équivoques, notamment sur l’article 37 de la Constitution qu’il a promis de respecter, sans pour autant dire ni en quoi va consister ce respect ni sur quelle version du texte fondamental cela va porter. Certes, les plus optimistes ont vite fait d’interpréter l’engagement du chef de l’Etat burkinabè dans le sens de la non-révision de l’article portant limitation du mandat présidentiel. Ceux-ci ont ainsi prêté au premier des Burkinabè l’intention de ne plus se porter candidat à la prochaine consultation électorale. Etant donné l’ambiguïté du message, qui permet au moins deux interprétations différentes, les tenants de cette thèse peuvent profiter du bénéfice du doute. Toutefois, d’autres lectures qui prendraient la précaution de ne pas aller trop vite en besogne permettraient d’éviter de se laisser duper par des déclarations faites à dessein. L’enfant terrible de Ziniaré aurait voulu s’accorder une large marge de manœuvre dans la suite à donner aux propositions du CCRP qu’il ne s’y serait pas pris autrement. La remise du rapport du Conseil consultatif n’est qu’une étape du processus de consultation sur les réformes politiques, et l’on s’attendait à ce que le successeur de Thomas Sankara attendît la fin du processus pour intervenir. En anticipant et en entretenant le brouillard autour de sa position sur l’article constitutionnel, le locataire du palais de Kosyam serait peut-être en train de jouer à cache-cache avec ses compatriotes. Ainsi pourra-t-il, à l’issue de l’étape suivante, à savoir la consultation à la base, s’appuyer sur l’alibi de sa promesse faite de se conformer à la Constitution pour essayer de légitimer sa modification. Il se fera alors aider en cela par les meneurs de l’aile du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) qui cautionne ouvertement et secrètement sa pérennité au pouvoir. Quant aux bonzes du CDP qui, dans le secret de leurs envies, nourrissent l’espoir inavoué mais pressant de succéder à leur manitou, ils se délecteraient sans doute de le voir dans une situation embarrassante. Mais l’idée de la création du CCRP aura tout de même permis au régime de la IVe République de souffler. Le peuple burkinabè lui a visiblement accordé un état de grâce, tout en espérant que les réformes qui en sortiront seront en phase avec ses aspirations, et appliquées. Le régime semble ainsi avoir repris en main la situation nationale, mais jusqu’à quand ? Les autorités du pays des Hommes intègres ne doivent point perdre de vue qu’avant la récente crise nationale et celles précédentes, elles ont eu le même loisir de choisir entre ce qui est bon pour le peuple, et donc source de stabilité, et ce qui est uniquement bon pour les dignitaires du régime et leurs protégés. C’est donc leur mauvaise option visant à privilégier leurs propres intérêts, et dont les graines ont poussé sur le terrain fertile du penchant pacifiste des Burkinabè, qui ont failli faire basculer le pays dans l’impasse sociale. Le brasier endormi des violentes manifestations des civils relayées par les sorties armées des militaires pourrait être attisé par tout vent venant de la moindre erreur d’appréciation de la relative accalmie qui prévaut actuellement. Certes, les populations donnent l’impression de focaliser leur attention et leur intérêt sur l’article 37 au point d’ignorer des questions non moins importantes relatives à la création du Sénat et à l’augmentation du nombre des députés. Ces deux projets budgétivores ne se présentent-ils pas comme une provocation à l’endroit des populations qui ploient déjà sous le fardeau de la vie chère ? Il n’est donc pas à exclure qu’une fois la question de l’article 37 tranchée, d’autres surgissent. Une réaction qui risque de faire faire au Burkina un grand bond en arrière en termes de stabilité et de cohésion sociale. Toute chose que l’énigmatique président du Faso doit œuvrer à éviter à son pays en déliant davantage sa langue et en donnant aux réformes un caractère sincère et crédible. Cela passe nécessairement par une expression claire des intentions réelles du chef de l’Etat, et un choix conséquent des acteurs devant participer aux consultations au niveau local, ainsi qu’au niveau des assises nationales. Des imperfections somme toute patentes ont été relevées dans la composition du CCRP par d’éminentes personnes- ressources et des représentants de structures sociales. Il serait donc suicidaire pour le gouvernement d’en faire fi et de n’en faire qu’à sa tête. Il faut absolument faire en sorte que le rapport final du CCRP n’en soit pas juste un de plus. "Le Pays"


28/07/2011
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