Abououoba

Abououoba

Lettre à Norbert Zongo 4

Cher H.S.

La filière coton est en crise au pays. On croyait que les explications du gouvernement sur les prix du coton et des engrais de cette campagne et même la visite du Premier ministre, Luc Adolphe Tiao aux cotonculteurs allaient faire baisser la tension. Au contraire, la situation ne fait que s’envenimer. La crise qui secoue la Boucle du Mouhoun, grande région productrice de ce qu’on a appelé l’or blanc divise les producteurs en deux groupes. D’une part, il y a ceux qui veulent continuer la production aux prix fixés et d’autre part ceux qui veulent boycotter la campagne cotonnière. Ces derniers non contents de ne plus voir le coton pousser dans leur champ procèdent à la destruction des champs de ceux qui ont semé. Et comme il fallait le craindre, la situation a tourné à l’affrontement entre les forces de l’ordre et les boycotteurs d’une part, et d’autre part entre ces derniers et ceux qui veulent continuer à produire du coton. La télévision nationale, dans un reportage avait montré un cotonculteur perché sur un arbre avec une arme à feu, jurant de défendre coûte que coûte son champ, si quelqu’un se hasardait à venir arracher ses plants. Comme il fallait s’y attendre, un décès est à déplorer, de nombreux blessés et des interpellations.

Le gouvernement n’avait de cesse d’envoyer des émissaires dans cette région pour faire prendre raison aux producteurs. La dernière mission en date au moment où je t’écris cette lettre était composée du ministre d’Etat chargé des Réformes, Arsène Bongnessan Yé, de celui chargé de l’Agriculture, Laurent Sédogo et du ministre de l’Administration territoriale, de la décentralisation et de la sécurité, Jérôme Bougouma. C’était la 6ème fois que le gouvernement tente de faire baisser la tension en initiant des séances d’explications avec les producteurs. Au cours des 5 premières rencontres, les acteurs de la filière ont donné l’air de se comprendre. Mais quand les producteurs retournent à leur vie quotidienne, la mésentente s’installe de plus belle.

Les problèmes que traverse la filière coton ne sont pas nouveaux. Il faut le reconnaître. Les producteurs se sont toujours plaints du prix d’achat de leur produit et celui des intrants. Même leurs organisations ne leur inspirent pas confiance. Profitant de la crise militaro-civile qui a secoué le pays et qui a donné lieu à des revendications tous azimuts des différentes couches socio-professionnelles, les cotonculteurs ont voulu également se faire entendre. Exiger que le prix du kilogramme de coton soit fixé à 500 FCFA, telle était la consigne. Mais aux dires des producteurs, c’est la trahison de certains qui a envenimé la situation. En effet, au moment où la bataille était rude, certains ont tourné le dos pour aller semer. Ce genre de retournement de veste n’est pas une surprise pour qui connaît les organisations ou regroupements d’individus ayant pour objectif de défendre les intérêts communs.

Les plants déjà détruits auront un effet certain sur la production de la campagne et la crise semble n’avoir pas été résolue. S’achemine-t-on vers la fin du ’’rêve coton’’ qui avait été pendant de longues années la première source de devise de l’Etat avant d’être relégué au second rang par l’exploitation minière ? Il y a toujours un moment de boom pour une filière et un moment de décrépitude.

La crise aura certainement des répercutions économiques.

Cher ami, le Conseil des ministres a décidé du sort de Séraphine Ouédraogo, le maire suspendu de l’arrondissement de Boulmiougou. En effet, le gouvernement a adopté un décret portant sa révocation avec poursuites judiciaires. Il lui est reproché la gestion opaque des lotissements et des ressources générées par les lotissements, la non maîtrise et le non suivi de la gestion des recettes collectées par un comptable de fait. Un autre maire a été révoqué avec poursuites judicaires également. Il s’agit de celui de la commune rurale de Nangréongo, Vincent Ouédraogo. Il aurait trempé dans une affaire de faux , usage de faux et de malversation, financières d’un montant total de quinze millions sept cent quinze mille cinq cents (15 715 500) FCFA.

La sanction qui pèse sur le maire de Boulmiougou apaisera quelque peu la colère des populations de cet arrondissement qui n’avait de cesse pendant des années de dénoncer la gestion calamiteuse des opérations de lotissement. Mais des inquiétudes demeurent chez certains comme l’association Namanegb Zanga et le réseau NoVox Burkina. Ces organisations ont tenu une rencontre avec les populations victimes de toutes formes d’injustices dans les lotissements à Boulmiougou dans le mois de juillet.

A l’issue de leur rencontre, les participants ont décidé d’adresser une plate-forme revendicative au maire par intérim en 6 points. Entre autres :

- que soit annulé toutes les attributions de parcelles où ont participé deux agents de la marie ;

- annuler et reprendre les attributions de parcelles dans les zones " bleues " du secteur 17 et " rouge " du secteur 16. Les " vrais résidents devront être prioritaires " ;

- création d’une direction dépendant du Premier ministère pour gérer tout lotissement au Burkina Faso et la participation des mouvements sociaux dans des lotissements ; le retrait de toute personne qui a déjà participé dans une Commission d’attribution de parcelles ;

- que la bande verte ou ceinture verte soit parcellée et attribuée à la population pour pallier la crise ; 
- que l’administration puisse rendre visite aux populations victimes avant la reprise des lotissements.

Dans tous les cas, la révocation du maire est déjà une avancée.

Par ton ami Kouma Fola Kan de Bendré.



15/08/2011
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 3 autres membres