Abououoba

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Il faut le dire : Dure est la vie du fonctionnaire burkinabè

Il faut le dire : Dure est la vie du fonctionnaire burkinabè

mercredi 23 novembre 2011

Au Burkina Faso, disons-le sans fioritures, le fonctionnaire est un misérable. Un misérable que l'Etat, son employeur, semble ignorer. Il n'est pas facile d'intégrer la Fonction publique et quand la chance nous sourit, le bonheur que l'on croit est bien loin du compte. Le statut de fonctionnaire est convoité par plus d'un Burkinabè en quête d'emploi, ce qui est tout à fait normal. C'est un statut qui, dit-on, garantit une certaine stabilité à tout agent bénéficiaire. Ce qui n'est pas faux. Mais là où le bât blesse, c'est au niveau du traitement salarial des employés de l'Etat. « Les salaires burkinabè sont des perdiems », disait, un brin rigolo, feu le président gabonais Omar Bongo Odimba. Illustration pour illustration, beaucoup d'agents de catégorie A ne peuvent pas avoir 150 000 F CFA, comme salaire de base, si ce n'est par le jeu de l'ancienneté.

Le Burkina Faso, certes, n'a pas les richesses du Gabon, mais l'assertion d'Omar Bongo Odimba comporte une part de vérité. Il est évident que les fonctionnaires sont classés par catégorie, si bien qu'ils ne peuvent pas avoir les mêmes salaires. Malgré tout, ce qu'on leur donne, toutes catégories confondues, parait bien mince, par comparaison à d'autres pays de la sous-région. Mais allons au-delà de cette vérité, pour considérer d'autres réalités. Nouvellement intégré, le fonctionnaire burkinabè, qu'il le veuille ou pas, est soumis au service national pour le développement (SND) durant un an, s'il n'a pas l'âge requis (30 ans) pour en être exempté. Au cours de cette période, il perçoit un pécule, en fonction de sa catégorie.

Qualifié d' « insignifiant » par bon nombre de compatriotes, ce pécule permet de vivoter. Pas plus. Et n'allez pas croire (les fonctionnaires en savent quelque chose) qu'après coup, vous roulerez sur l'argent. Une fois que votre situation se régularise, et que vous commencez à percevoir normalement votre « maigre » salaire, vous n'avez pas le choix que de prendre un prêt pour vous équiper. D'une durée de 3 ou 4 ans, ce prêt entraîne systématiquement la retenue d'un tiers de votre rémunération par la banque. Il ne vous reste plus que les 2/3 pour encore vivoter, jusqu'à la fin de l'échéance. La misère s'installe. En Afrique, on le sait, l'on travaille pour prendre en charge plusieurs personnes, étant donné le poids de la « petite » et « grande » famille.

Et c'est en cela que les 2/3 restants de votre salaire, ne vous sortiront point de la galère. Vous allez faire face à d'énormes charges qui vont forcément vous écrouler. Là encore, l'on peut se débrouiller comme on peut, en jonglant, mais non sans se heurter à la « vie chère ». C'est alors la croix et la bannière ! Vous êtes stable, en ce que vous percevez régulièrement un salaire, mais déséquilibré parce que vous peinez à joindre les deux bouts. Souffrance pour souffrance, les fonctionnaires des grandes villes telles Ouagadougou et Bobo-Dioulasso sont encore enviables, par rapport à ceux que l'on affecte en province. Là-bas, le fonctionnaire célibataire ou pas, va peiner d'abord à s'installer, car l'Etat ne lui apporte pas grand soutien, si ce n'est des « pauvres » frais de transport. Très insignifiante, cette contribution vous permet d'assurer votre propre transport, mais rarement celui de vos bagages. Elle ne pourra surtout pas aider les fonctionnaires, sans maison de fonction, à en louer sur place.

« Il faut se débrouiller comme on peut », aime à dire un fonctionnaire retraité. Ainsi, le fonctionnaire est laissé à lui-même, comme s'il s'agit de la gestion de sa propre entreprise. Et une fois qu'ils ont rejoint leurs postes en province, certains se retrouvent à servir sans local de travail, ni matériel. On ne leur prépare pas le terrain, en réunissant les conditions, pour leur permettre de servir dignement la Nation. Ils sont, disons-le, envoyés en patûre. Dans ce cas, les intéressés sont obligés de travailler à domicile ou de squatter çà et là, un bureau pour travailler. Toute chose qui nuit à l'image du service qui les emploie, pour ne pas dire, à celle de l'administration toute entière. Hormis cela, l'on constate que de nombreux fonctionnaires de l'Etat, servant en province, dépensent pour aller percevoir leurs salaires, en ce sens que leurs banques n'offrent pas de prestation in situ.

Il faut donc débourser des sommes, non moins négligeables, pour faire des kilomètres et aller percevoir un salaire qui, on le sait, ne vous sort guère de l'ornière. Célibataire ou pas, les fonctionnaires de brousse, comme on les appelle, ne sont pas totalement dans le même panier. Ceux qui sont mariés (hommes ou femmes) ont plus de problèmes que les célibataires. Eloignés de leurs femmes et enfants qui ne peuvent les rejoindre pour une raison ou une autre, de nombreux fonctionnaires se retrouvent à gérer systématiquement deux loyers. Pis, ils courent le risque de la séparation, si la confiance et la compréhension ne sont pas des valeurs partagées. Et que dire des problèmes de suivi de l'éducation de leurs enfants ? Papa est à l'Ouest et maman à l'Est, comment trouver le juste milieu ? Dans ces conditions, les fonctionnaires qui prennent la vie avec une certaine mesure, deviennent « philosophes », comme dirait l'autre. Ils croisent les doigts, en espérant que demain sera meilleur à aujourd'hui.

Là encore, les moins chanceux doivent attendre des années, pour se voir réaffecter dans une grande ville comme Ouagadougou ou Bobo-Dioulasso. Ceux qui ont l'esprit « faible », basculent dans la débauche. Ils sombrent dans l'oisiveté et l'alcoolisme avec tout ce que cela comporte comme conséquences. Grave encore, certains détournent les deniers publics, avec le risque de se voir révoquer, poursuites judiciaires à l'appui. Et on dira aisément qu'ils volent l'Etat, celui-là même qui les a mis dans le gouffre et ôté en eux, tout sens de la responsabilité et de morale. Ceci ne doit pas expliquer cela, mais souffrez que certains fonctionnaires se retrouvent dans de beaux draps. Bref, ce sont autant de réalités qui attestent des misères du fonctionnaire burkinabè. Des efforts d'augmentation de salaires sont faits par l'Etat (on se rappelle la récente augmentation de 4 à 8%), mais cela demeure insignifiant, face aux multiples charges des fonctionnaires.

« C'est bon mais ce n'est pas arrivé », dirait le commerçant, si le prix d'achat d'un article ne lui convient pas. Vivement que l'Etat burkinabè songe à sortir le fonctionnaire de son état de misérabilisme, en le traitant autrement sur le plan salarial. On nous dira que les ressources du pays sont limitées, mais que peut-on sans les hommes ? L'homme est à la base de tout et mérite bien des égards

Kader Patrick KARANTAO

Sidwaya



04/12/2011
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