Abououoba

Abououoba

Affaire SIBEA : Faillite préméditée et commanditée ?

Affaire SIBEA : Faillite préméditée et commanditée ?

mardi 25 octobre 2011


Les travailleurs de la Société industrielle burkinabè d’épices et d’aliments (SIBEA) broient du noir. Ils ont été contraints à observer un chômage technique depuis le 1er juin 2011. La raison invoquée est que la société traverse des difficultés et tangue. Suite à des manœuvres qui frisent le sabordage, la SIBEA a perdu la confiance de la Preparados Alimenticios S.A (PASA), son partenaire espagnol au profit d’une autre société. Histoire d’un mélodrame qui se joue sur le dos des travailleurs.

Un parking désert. Des bureaux fermés à clé. Le siège de la SIBEA connait une ambiance morose en cette matinée du 25 août 2011. « Le personnel est en chômage technique », nous confie la secrétaire. Elle est la seule employée en activité en plus du Directeur général. « Présentement, nous ne sommes que deux. Le directeur et moi », assure-t-elle. Mais que se passe-t-il donc pour que des 200 employés, il n’en reste que deux en activité ?

L’Affaire

La SIBEA est une société anonyme créée le 1er janvier 1989. Fondée par le défunt opérateur économique Compaoré Moussa, la société s’appelait « SOCOMOUF » à sa création. Elle commercialise les produits ‘’Jumbo’’ et dérivés. Entreprise de type familial à l’origine, elle s’est progressivement ouverte à l’actionnariat et compte aujourd’hui plusieurs personnalités parmi ses actionnaires. Jusqu’en mai 2011, la société était détentrice exclusive de la marque « Jumbo » au Burkina Faso. Les produits Jumbo que rares de marmites et de papilles ignorent le goût sont constitués de matières premières et de produits finis fournis par PASA, un partenaire basé à Barcelone en Espagne. Tout allait bien pour ce partenariat jusqu’au 15 décembre 2010. Date à laquelle PASA à travers une correspondance adressée à M. Ali Compaoré, alors PDG de SIBEA « communique sa volonté de résilier les relations que PASA maintient avec SIBEA pour le manque de paiement de dernières factures. »

Dans cette même correspondance, PASA concède à SIBEA un délai de grâce de 30 jours calendaires pour remédier ce manque de paiement, sous peine de résiliation de la Convention avec effet immédiat dès la date d’avis de résiliation. Qu’a-t-il fait le PDG S.R Ali Compaoré de cette information capitale pour le sort de la société qu’il dirige ? A-t-il immédiatement informé le Conseil d’administration pour lui prévenir du danger imminent qui plane sur la boîte ? Pas si sûr ! L’information sur la menace de retrait de la licence semble avoir été gérée avec une certaine opacité.

L’opération de sabordage

Pendant que le conseil d’administration et les autres actionnaires baignent dans le flou et peut-être dans l’insouciance, le PDG peaufine un plan de sabordage de SIBEA qu’il avait commencé depuis de longues années à travers des manœuvres diverses. Résultat : la SIBEA a perdu sa licence de distribution au profit de l’Entreprise commerciale du Faso (ECF S.A). Les investigations ont montré que M. Ali Compaoré n’est pas étranger à la création de cette société enregistrée en septembre 2004 au tribunal du commerce. Créée d’abord sous le nom de « Etablissement commercial du Faso », la société subira une modification de son nom commercial en janvier 2006 pour devenir « Entreprise commerciale du Faso S.A ».

Cette entreprise créée de toute pièce par les soins du PDG Compaoré Soutong-Noma Ali Remy allait vite nuire aux intérêts de SIBEA, de la famille de feu Compaoré Moussa, des autres actionnaires et surtout des travailleurs. Comme si ECF devait prospérer sur les cendres de SIBEA, le PDG autorisait ECF de vendre les produits Jumbo sans toutefois reverser l’argent- qui se chiffre souvent à des centaines de millions- à SIBEA. Pire, le PDG signait des « transferts d’agents » de SIBEA au profit de ECF bien que ces deux sociétés soient distinctes et qu’aucune convention formelle ne lie l’une à l’autre et vice versa. La correspondance 066/SB/PDG/SRAC/10 du 21 juillet 2010 portant à l’objet : « transfert d’agents (régularisation) » a concerné trois agents commerciaux.

Par ce jeu, des dizaines d’agents ont migré de SIBEA vers ECF avec la bénédiction du PDG qui a trouvé ainsi le moyen de doter sa nouvelle entreprise des meilleurs agents issus de la société en cours de « liquidation ». M. Compaoré poussait le comble jusqu’à utiliser certains agents de SIBEA pour effectuer des missions de ECF à l’extérieur du pays et ce, au frais de la boîte qu’il dirige. Le Directeur commercial s’est rendu à Niamey dans le cadre de ces missions en octobre 2010. Tout cela a contribué à fragiliser la stabilité financière de SIBEA. Le Conseil d’administration a été pris au dépourvu. Après avoir constaté la descente aux enfers de la boite, il a commencé à réagir en mai 2011, mais les carottes étaient déjà cuites. En effet, après avoir renouvelé l’instance dirigeante, le conseil d’administration réuni en assemblée générale extraordinaire le 16 mai 2011 a pris des résolutions, toutes visant à sauver les meubles et à rétablir la licence avec PASA.

Ainsi, pour régler la dette du fournisseur, les actionnaires se sont engagés à céder le bâtiment de l’usine SIBEA à PASA pour une valeur estimée à 1 milliard de FCFA, céder la caution bancaire constituée auprès d’une banque établie à Barcelone au profit de PASA entre autres. Ces ultimes résolutions n’ont pas suffi au partenaire espagnol.

Le 20 mai dernier, ce dernier a informé les administrateurs que l’accord de licence d’exploitation a été formellement résilié. Pour parvenir à une reprise éventuelle du partenariat, PASA exige de SIBEA de disposer de garanties bancaires d’au moins 1.500000 euros et l’apurement de toutes les dettes. Cette mission quasi impossible sera entamée sans le PDG qui a préféré se soustraire de l’aventure après avoir perforé le navire. Un nouveau DG a été nommé en début juin par le conseil d’administration pour redresser la barque. Y parviendra-t-il ? Question.

ECF SA, elle, a informé depuis juillet 2011 sa clientèle et son réseau de distribution par voie de presse qu’elle est « distributrice de la marque Jumbo au Burkina Faso ». Les travailleurs de SIBEA qui n’entendent pas être sacrifiés ainsi exigent la réouverture de SIBEA et la garantie des salaires de l’ensemble des travailleurs de la SIBEA.

Touwendinda Zongo : Mutations, mensuel burkinabé paraissant chaque 1er du mois

Contact : mutations.bf@gmail.com



25/10/2011
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 3 autres membres