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ASSISES NATIONALES SUR LES REFORMES POLITIQUES : L’heure de vérité

ASSISES NATIONALES SUR LES REFORMES POLITIQUES : L’heure de vérité

mercredi 7 décembre 2011

Les dés seraient-ils pipés d’avance ? Toujours est-il que la partie apparaît très sérieuse à Ouagadougou pour les 1500 délégués aux assises nationales sur les réformes politiques. L’une des questions qui titillent les esprits, c’est de savoir si le délai de trois jours serait suffisant pour trancher de questions aussi épineuses que celles relatives à l’article 37 sur l’éventuel renouvellement du mandat présidentiel ? La fixation sur cet article est telle qu’elle empoisonne la vie politique. La classe politique s’en trouve divisée. N’en déplaise à certains, durant la crise ; nul n’a revendiqué la mise en place d’un Conseil consultatif pour les Réformes Politiques (CCRP) ! Personne ne s’en cache également : les propositions non consensuelles traduisent, en réalité, un rejet de l’éventuelle révision de l’article 37.

Organiser un référendum donnerait le sentiment qu’il y a une volonté manifeste d’entourlouper le citoyen. Mais avec qui l’organiser et comment, puisque la CENI, elle-même, a préféré faire reculer la date des législatives et des municipales couplées ? En effet, le fichier électoral a fait l’objet d’un rejet de la part même de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Comment donc aller au référendum en l’état, comme le laissent supposer des caciques du régime ? Selon des opposants, le pays n’est techniquement pas prêt pour s’engager dans une consultation électorale.

Ce serait donc une provocation que de s’engager sur un chemin sans issue. En cas de référendum, où trouvera-t-on le nerf de la guerre, l’argent devant servir à financer l’opération si tant est que le budget d’une consultation référendaire soit consistant ? Autres points qui suscitent des inquiétudes : qui va mettre en œuvre les décisions issues des rencontres ? Le gouvernement ? Comment peut-il être en même temps juge et partie ? Aujourd’hui, le besoin de structures indépendantes et impartiales se fait de plus en plus sentir. Il en est ainsi des structures de suivi de la mise en œuvre des décisions issues des réformes envisagées. Pour d’autres critiques, le système bicaméral pour lequel le pouvoir semble pencher, ne saurait convenir à un pays pauvre comme le Burkina Faso.

Non seulement, il coûtera cher, mais encore il donnera plus de visibilité et de poids à la chefferie. Celle-ci gagnerait pourtant à se tenir à l’écart des joutes oratoires des acteurs politiques, sans égard pour les statuts de dirigeants devant promouvoir la culture locale, et "régner" dans des conditions d’impartialité évidentes. En fait, on persiste à donner du Burkina l’illusion qu’au plan de la démocratie, tout se passe bien à l’intérieur. Aux yeux de certains dignitaires du régime de la quatrième République, l’expérience démocratique serait devenue une recette pour consommation extérieure. Certes, l’on ne saurait nier l’existence de libertés, somme toute relatives. Il reste que l’absence d’un dialogue véritable entre le pouvoir et l’opposition, les tensions multiformes, la vie chère sur fond de concurrence déloyale, l’état endémique de la corruption, montrent bien que l’on fait du surplace !

Pour certains, la crise appartient à un lointain passé. Pourtant, si elles en ont été un symptôme révélateur, les mutineries des mois précédents n’ont pas pour autant débouché sur un réel solutionnement de la crise. En tout cas, elles auront suffisamment démontré que le Burkina souffre de graves lacunes au plan du droit et qu’il y a des entorses sérieuses à la démocratie républicaine. Dans ce pays, les injustices sociales sont un véritable cancer et comme tel, elles sont difficilement curables. Les défenseurs du système savent-ils par exemple, qu’en dehors des engagements officiels, on continue toujours de torturer des gens dans des centres de détention ? Ont-ils jamais vécu, comme le commun des Burkinabè, les affres de la vie chère avec ces enfants affamés, ces ménagères qui ne partent presque plus au marché, ces malades aux ordonnances difficiles à honorer, ces boutiques qui se ferment parce qu’on n’y achète plus rien ?

Que dire de ces propriétaires qui font rouler leurs engins à deux roues sur plusieurs kilomètres parce que n’étant plus capables de les doter de carburant ? Ces élèves et étudiants qui ne fréquentent plus, parce qu’autour d’eux personne ne parvient à supporter des frais de scolarité exorbitants ? Les frustrations se poursuivent car, ceux qu’on retient en dehors du système, sont de plus en plus nombreux à ne même pas pouvoir trouver de miettes pour tromper leur faim. Jusque-là, la fixation sur l’article 37 a empêché tout débat sérieux sur les problèmes courants et les enjeux à venir. Contrairement aux apparences, la démocratie burkinabè ne marche donc pas comme souhaité. En effet, l’on tourne en rond ; l’on tend même à reculer. Au rythme où les plus forts cherchent toujours à écraser les plus faibles, le risque est grand de faire courir à ce pays un danger dont on pourrait encore faire l’économie.

Depuis des années, dans ces mêmes colonnes, nous ne cessons de le dire : l’heure est grave, même si ce n’est pas l’Apocalypse ! Les gouvernants du Burkina ont intérêt à se réveiller, plutôt que de continuer de faire la politique de l’autruche, et à poser des actes qui font miroiter de bien belles choses à l’extérieur du Faso. Sur un autre plan, de plus en plus de Burkinabè de la diaspora donnent de la voix. Beaucoup d’entre eux se sentent "oubliés", en dépit des campagnes déguisées auxquelles certains thuriféraires du régime s’adonnent dans les journaux d’opinion et le quotidien d’Etat. C’est un leurre que de croire que les Burkinabè de l’intérieur ont adhéré à l’idée du CCRP. Les assises régionales ont plutôt révélé un manque d’intérêt pour la chose politique. Les populations de l’intérieur qui vivent des drames au quotidien ne voudraient pas voir leurs justes revendications noyées dans le brouillard de l’article 37. A la vérité, elles attendent bien qu’on s’y intéresse davantage, plutôt qu’à d’autres aspects !

"Le Pays"



07/12/2011
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