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Toussaint Abel Coulibaly : « On ne peut pas ainsi tourner la page de l’article 37 »

Toussaint Abel Coulibaly : « On ne peut pas ainsi tourner la page de l’article 37 »

mercredi 12 octobre 2011


 

Les débats sur la révision de l’article 37 de la Constitution qui limite à deux quinquennats le nombre des mandats présidentiels au Burkina Faso doivent se poursuivre afin d’éviter qu’ils ne se reposent dans le futur. Foi de Toussaint Abel Coulibaly, président de l’Union pour la République (UPR) et ministre délégué chargé des Collectivités locales. Avec ses 600 conseillers municipaux et ses 5 députés à l’hémicycle, l’UPR se présente sur le terrain comme la 3e force politique du Burkina après le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, pouvoir) et l’Alliance pour la démocratie et la fédération/Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA). Dans l’interview que son président a accordée à Fasozine.com ce mardi 11 octobre 2011, il a été question des priorités du parti, de la question de la révision de l’article 37, des travaux du Conseil consultatif sur les réformes politiques (CCRP), etc.

Fasozine.com : Quelles sont les priorités de l’UPR en cette veille d’année électorale ?

Toussaint Abel Coulibaly : Nous souhaitons avoir une bonne assise locale, parce que nous avons toujours été convaincus que le développement ne se construit pas à partir du sommet. Nous voulons renforcer notre politique à la base parce que nous pensons que seule la connaissance des problèmes du peuple nous permettra d’avoir des solutions au niveau du parlement ou du gouvernement. De façon plus spécifique, nous voulons avoir davantage de conseillers municipaux, de maires et suffisamment de députés pour former un groupe parlementaire autonome. Mais entre l’ambition et la réalité, il faut rester modeste. Et même si nous n’y arrivons pas, nous aurons le mérite d’avoir cela comme objectif.

Certains acteurs politiques demandent le report des scrutins couplés de 2012. Quelle est la position de l’UPR ?

L’UPR ne suit pas la direction du vent en politique. Sur toutes les questions d’intérêt national, nous avons toujours pris position sans tenir compte de ce que pensent les autres. Depuis plus de deux mois, notre parti avait déjà demandé le report des élections. Nous n’avons pas attendu d’écouter les autres. Nous l’avons fait parce que nous estimons qu’il serait difficile de tenir des élections libres, démocratiques et transparentes en avril 2012, compte tenu des difficultés que nous avons eues au cours de l’élection présidentielle en 2010. En 2012, il s’agira d’élections locales. Il y aura au minimum 8 candidats par village. Et compte tenu du fait que nous sortons progressivement d’une crise sociale, il faut éviter d’aller à une crise institutionnelle où l’autorité établie sera contestée. Nous avons souhaité depuis deux mois que l’on ne passe pas d’une crise sociale à celle institutionnelle.

Il est également question de cartes électorales biométriques…

Nous soutenons cette requête. Parce que c’est quand même étonnant que les pays voisins soient déjà à l’étape de l’enrôlement biométrique. Certains ont parlé du coût que cette opération entraînerait. Mais pour moi, la paix sociale n’a pas de prix. Pour cela, il faut faire en sorte que ceux qui auront perdu les élections en 2012 sachent que c’est parce qu’ils n’ont pas suffisamment mobilisé d’électeurs. Les cartes biométriques s’imposent d’elles-mêmes. Ce n’est pas trop tôt parce qu’après 20 ans d’élections sans discontinuer, nous ne devions plus être en train de rechercher le mode opératoire pour nos élections.

Pourquoi ne pas avoir exigé la carte biométrique en 2010, lors de la présidentielle ?

Parce que nous avions estimé que la Carte nationale d’identité burkinabè (CNIB) constituait un document de vote fiable. Mais nous avons constaté que ce ne fut pas le cas. Et il n’est pas tard de reconnaitre que ceux qui ont demandé depuis un certain temps la carte biométrique avaient raison. C’est même faire preuve d’honnêteté intellectuelle que de reconnaitre cela.

Quelle appréciation faites-vous des conclusions des travaux du CCRP ?

Nous avons participé aux travaux du CCRP à Ouagadougou. Notre représentant était d’ailleurs le 2e rapporteur du conseil. Au cours de ces assises, il y a eu des points consensuels et d’autres non consensuels. A l’issue des débats, nous n’étions pas d’accord sur la constitutionnalisation de la chefferie traditionnelle mais il a été dit que ce point a obtenu le consensus des membres du CCRP. Nous sommes un parti républicain. Le Burkina Faso est un Etat démocratique, unitaire et laïc. L’article 101 de la Constitution prévoit le mode de reconnaissance des coutumes et leur organisation. Si l’on convient de la laïcité de l’Etat, la coutume étant une forme de religion, il faut éviter d’introduire dans la Constitution des organisations coutumières qui fonctionnent de façon héréditaire.

En clair, tout ce qui n’est pas démocratique ne doit pas être inscrit dans la Constitution. Cela y va même de l’unicité de l’Etat. Nous sommes certes un Etat mais pas encore une Nation, puisque nous avons encore une soixantaine d’ethnies non encore fédérées. D’ailleurs, la chefferie dont on parle ne concerne que 50% de la population. Au sein de l’UPR, nous pensons qu’il faut laisser les chefs traditionnels s’organiser eux-mêmes et que l’Etat reconnaisse par la suite leur organisation. Car ces mêmes chefs qui veulent être constitutionnalisés se réclament aussi de l’article 1 de la Constitution qui stipule que tous les Burkinabè naissent libres et égaux en droits.

Estimez-vous normal que les chefs traditionnels fassent la politique ?

On peut déjà s’inspirer de certains pays de la sous-région. Au Ghana par exemple la chefferie coutumière a été constitutionnalisée. L’article 275 des textes interdit aux chefs coutumiers de se porter candidats à une élection ou d’être partisans. Mais je n’imagine pas des chefs coutumiers, ici au Burkina, non partisans parce qu’ils réclament de pouvoir siéger à l’Assemblée nationale ou d’occuper d’autres postes électifs comme tout le monde. Je ne vois pas d’inconvénients en cela mais je souhaite tout simplement qu’ils ne demandent pas à être singularisés dans une constitution. Selon le titre 11 de la Constitution, le Burkina est organisé en collectivités territoriales. Au regard de cette disposition, je me demande bien là où on peut loger nos chefs traditionnels.

Parce que si nous favorisons une quelconque coutume ou religion, nous glisserons progressivement vers l’extrémisme ou la création des inégalités qui pourront frustrer bien des gens et la laïcité de l’Etat pourrait en prendre un coup. Nous sommes par contre pour la codification de la chefferie traditionnelle.

Quelle était la position de l’UPR sur la révision de l’article 37 de la Constitution qui n’a pas obtenu le consensus au sein du CCRP ?

Nous avons été parmi les premiers à nous insurger contre la limitation des mandats présidentiels. Parce que, pour nous, le suffrage universel direct ne peut pas avoir deux usages. On ne peut pas avoir d’une part le président du Faso dont le mandat est limité et d’autre part des élus nationaux et locaux inamovibles. Ils sont tous issus du suffrage universel direct. Et selon nous, soit on limite tous les mandats électifs soit on ne limite aucun mandat. Nous sommes contre le principe du deux poids deux mesures. Nous sommes pour la révision de l’article 37 mais nous ne nous cantonnons pas à un but spécifique.

La page de cette révision est-elle maintenant tournée ?

On ne peut pas ainsi tourner la page. Nous avons dit dès le départ des travaux du CCRP qu’au cas où les hommes politiques ne s’entendront pas, il y a le peuple qui est le constituant originel. Il faut lui donner l’occasion de s’exprimer. Certains ont tendance à nous ramener à la Constitution d’autres pays où il y a la limitation des mandats. Mais le mode d’élections d’ici n’est pas forcément le même que celui qui a cours dans ces pays-là. Pour nous donc, il ne s’agit pas de tourner la page mais de poursuivre les réflexions afin d’éviter que ces débats ressurgissent. Pour cela, il va falloir passer par un référendum et les débats pourraient ainsi être définitivement clos.

Quel commentaire vous inspire le refus de l’opposition politique de prendre part aux assises régionales ?

On ne peut pas rejeter des propositions sans soi-même faire des contre-propositions. Il aurait fallu à l’opposition de participer aux travaux du CCRP. Elle pouvait inscrire ses positions dans les points non consensuels et cela aurait contribué à écrire l’histoire du Burkina. Je ne pense pas que la meilleure manière de participer à l’écriture de cette histoire est de rester en dehors de ce qui se fait, d’autant plus que ceux qui sont membres du CCRP sont les plus représentatifs du peuple burkinabè. On y retrouve les principales forces politiques du Burkina. Et à mon avis, la seule invite du chef de l’Etat devait suffire à convaincre l’opposition à prendre part aux travaux. Hormis cela, c’est un droit de ne pas participer au CCRP mais, de grâce, ayez l’humilité de ne pas critiquer ceux qui en sont membres.

Jacques Théodore Balima

Fasozine



13/10/2011
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