Je t’écris cette lettre à quelques jours de la fin des travaux du Conseil consultatif sur les réformes politiques (CCRP). Au huitième jour du début de la concertation des 68 membres de ce cadre consultatif, son vice président a animé une conférence de presse. Amadou Dabo de l’Union pour la démocratie et le développement (UNDD) à qui incombe ce rôle avait d’emblée fait savoir aux hommes et femmes de médias que les informations véhiculées dans certains journaux de la place et qui faisaient cas de divergence entre les membres du CCRP sur certaines questions ne sont pas fondées. Pour lui, les travaux se déroulent bien et loin de chaudes discussions. Outre information des animateurs de la conférence de presse, sur les 4 axes que doit aborder le CCRP, un a été examiné en entier et le deuxième axe l’est à moitié. C’est en substance la déclaration liminaire de M. Dabo.

Comme tu le devines, de tels propos n’ont pas satisfait tes confrères. Il a donc fallu qu’ils demandent au vice-président à savoir exactement les points qui ont été discutés et les conclusions qui ont été faites. C’est-à-dire s’il y a eu consensus ou pas. M. Dabo a vraiment été avare en réponse. On aurait dit qu’il a perdu son latin face aux micros et dictaphones des journalistes dont le souci est de bien informer leurs lecteurs sur les points précis des discussions des membres du CCRP.

En réalité, cette conférence donnait l’air d’avoir été préparée à la hâte. Cela se comprend puisque l’intention première des conférenciers était de démentir les informations sur les divergences au sein du CCRP sur certains points. Dans de telles conditions, il ne fallait pas s’attendre de la part des conférenciers à un bilan de parcours des travaux du CCRP. Que veut dire donc ce point de presse qui a été une cacophonie pour ceux qui y ont assisté ? On se pose des questions.

Attendons de voir ce que le CCRP va accoucher dans quelques jours. Comme on le dit, nous sommes dans une savane où tout se sait.

Cher ami, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi mettant fin avant terme au mandat des membres de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). C’est en septembre prochain que le mandat de l’équipe présidée par Moussa Michel Tapsoba devrait prendre fin. Mais le climat qui régnait entre les membres de la CENI était devenu délétère surtout après l’élection présidentielle dont la mauvaise organisation fait l’unanimité.

Pour les députés qui ont voté la loi, il s’agit de résoudre un problème ponctuel et de permettre à la CENI de fonctionner rapidement, après la démission de l’ensemble des commissaires de l’opposition politique.

Moussa Michel Tapsoba a donc été débarqué et il faut s’atteler à la mise en place d’une nouvelle équipe qui aura la charge d’organiser les élections couplées des législatives et des municipales de 2012. D’ores et déjà, l’opposition politique à travers son chef de file a convenu des critères de leur membre à la CENI. Ainsi, ceux qu’elle enverra devront :

 ne pas être premier responsable de son parti ;

 avoir un niveau universitaire ou équivalent ;

 être proposé par un parti politique de l’opposition légalement déclaré comme tel et conformément à l’article 4 de la loi n° 009-2009/AN du 14 avril 2009 ;

 être capable de défendre et promouvoir les intérêts de l’opposition dans son ensemble au sein de la CENI ;

 accepter de signer un engagement sur l’honneur à respecter et défendre les positions de l’opposition politique ;

 être de bonne moralité et jouir de ses droit civiques.

Mais au fait, le Burkina Faso peut-il réussir ses élections couplées avec la nouvelle équipe qui sera installée ?

Permet moi de partager une idée qui me parait non fondée et défendue par certains observateurs de la scène politique. Cette idée voudrait que l’expérience vaille mieux que la science. Par conséquent, pour des élections qui sonnent à notre porte, il est préférable de mettre sa préparation entre les mains de ceux qui ont déjà l’expérience. Autrement dit, l’ancienne équipe de la CENI. Pour ceux qui militaient pour cette idée, il fallait prolonger le mandat de la CENI jusqu’à la fin de ces élections.

Si je te parle de cette idée, c’est qu’en cas d’échec, ces défenseurs pourraient brandir cet échec pour justifier la pertinence de leur idée de prolonger le mandat des membres de la CENI. Si échec il y a au cours des élections couplées, cela n’est pas dû à l’inexpérience de la nouvelle équipe mais à des facteurs qui ne sont pas cachés.

D’abord, l’idée des élections couplées des législatives et des municipales est une première expérience qui n’ a pas encore son exemple dans la sous-région. On préfère plutôt coupler la présidentielle et les législatives. Cette expérience inédite sera-t-elle appréhendée par les populations en majorité analphabètes ? Il faut une large sensibilisation des électeurs. Ensuite, les pièces pour l’opération de vote devront être menée avec plus de sérieux que ce que l’on a constaté lors de l’élection présidentielle. Les cartes d’identité devront parvenir à leur propriétaire légitime de même que les cartes d’électeurs. Enfin, le fichier électoral doit être revu pour être fiable. Après plusieurs élections, on ne peut pas dire qu’il existe au Burkina Faso un fichier électoral. Or la base d’une élection crédible se joue sur le fichier électoral.

Relever ces défis dans le laps de temps serait difficile pour ne pas dire impossible si tant est que l’organisation d’une élection propre et crédible est un souci. Il est donc préférable de reporter ces élections. Mais jusqu’à quand ?

Apparemment, les membres du CCRP ont leur mot à dire. En effet, la CENI s’est invité dans leur débat. S’ils sont pour une nouvelle formule de cette institution, il faudrait attendre jusqu’aux assises nationales qui devront trancher sur les propositions de réformes pour espérer une programmation des élections. Cela a une autre conséquence qui est celle des mandats des élus locaux et nationaux qu’il va falloir proroger. Et il faudrait trouver la bonne formule pour ce faire.

Par ton ami Kouma Fola Kan de Bendré