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Jules Savaria, ambassadeur du Canada au Burkina Faso: «Mon pays a une expérience très ancienne dans la gouvernance minière»

Le Canada, pays très actif dans le secteur minier en Afrique et surtout au Burkina, encourage la promotion d’une conduite socialement responsable des affaires auprès des entreprises canadiennes exerçant leurs activités à l’étranger. Nous avons rencontré Jules Savaria, ambassadeur du Canada au Burkina pour en savoir davantage sur cette approche développée depuis 2009. Et cela, fort de la présence canadienne dans l’industrie extractive burkinabè. Lisez plutôt ! Sidwaya (S.) : Depuis quelques années, l’ambassade du Canada au Burkina organise la journée sur la Responsabilité sociale des entreprises (RSE) ; qu’est ce qui justifie cela ? Son Excellence Jules Savaria (J.S.) : Le dernier atelier sur la responsabilité sociale des entreprises organisé les 28 et 29 mars 2011 par l’ambassade du Canada en collaboration avec le ministère des Mines, des Carrières et de l’Energie s’inscrit dans le cadre global de l’atelier sous-régional que le Canada organise en Afrique de l’Ouest chaque année depuis l’adoption de sa stratégie RSE en 2009.On retiendra, au titre des grandes lignes, pour la 3e édition à Ouagadougou : l’implication de toutes les parties prenantes (compagnies minières, gouvernement ,société civile, les ambassadeurs d’autres pays ). Les recommandations faites par les groupes de travail portent notamment sur le renforcement du dialogue et la concertation entre les différentes parties prenantes. Cette année, l’atelier s’est déroulé au Sénégal et au Burkina Faso, et nous avons noté la participation du Bureau de la conseillère RSE du Canada, le docteur Marketa Evans, la participation de l’Institut canadien des mines, de la métallurgie et du pétrole, celle des Ressources naturelles Canada (ministère fédéral en charge des Mines) et celle des directions géographiques en charge de la RSE au niveau du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Au plan national, on a vu la participation de l’ensemble des compagnies minières, canadiennes ou non, la plupart des ONG et OSC, la commission de l’UEMOA et de la presse. S. : Le gouvernement canadien a édicté des principes directeurs pour la pratique de la RSE. Pour vous, quels sont les plus importants ? J. S. : Ce n’est pas par hasard que la RSE s’est développée au Canada. Notre pays a pris son envol économique grâce, en partie, à son industrie extractive. Le Canada a une expérience très ancienne dans le domaine minier et dans la gouvernance minière. Par contre, la notion de RSE, au sens propre du terme, est assez récente, même si le principe qui lui, relève de la bonne gouvernance pour un développement durable, n’est pas nouveau. Le principe de la RSE existait depuis bien longtemps ; mais ce n’est que récemment que l’on a senti le besoin de le codifier, d’en faire une stratégie. L’objectif étant de faire la promotion de la bonne gouvernance économique auprès des compagnies canadiennes aussi bien au Canada qu’à l’étranger , et notamment dans le secteur extractif. L’adoption de la stratégie fait suite à plus d’une décennie de travaux qui ont abouti à une série de recommandations formulées par le Comité permanant des affaires étrangères et du commerce international (CPAECI) dans son rapport consensuel intitulé « L’exploitation minière dans les pays en développement –la responsabilité sociale des entreprises », publié en juin 2005. La stratégie actuelle dénommée « Renforcer l’avantage canadien » vise, entre autres, à améliorer l’avantage concurrentiel des entreprises extractives canadiennes en renforçant leur capacité à gérer et à bien gérer les risques sociaux et environnementaux pour une exploitation durable et soutenable. S. : Est-ce le même souci qui a conduit à la mise en place des services des délégués commerciaux dans les ambassades canadiennes ? J. S. : Le service des délégués commerciaux est antérieur. Il a été mis en place pour s’assurer que les sociétés canadiennes qui ont des relations commerciales ou d’investissements dans les pays autres que le Canada respectent les principes de la bonne gouvernance et que leur présence est durable. Le service des délégués commerciaux du Canada aide les entreprises canadiennes à mieux réussir à l’étranger et à réduire les coûts de leurs activités commerciales à l’aide des quatre services-clés suivants : la préparation aux marchés mondiaux, l’évaluation du potentiel de marché, la prise de contacts qualifiés, enfin, la résolution de problèmes telle que l’accès aux marchés et autres difficultés ( dédouanement et expédition, pratiques commerciales déloyales, dépôt de soumissions, entreposage, couverture et demandes de remboursement, comptes en souffrance). Dans un effort pour promouvoir la Responsabilité sociale d’entreprise (RSE) au pays et à l’étranger, le Service des délégués commerciaux du Canada (SDC) encourage les ambassades, consulats, hauts-commissariats canadiens, bureaux régionaux et directions de l’administration centrale à entreprendre des projets de RSE en leur fournissant une source réservée de financement. Ces projets de RSE, bien qu’ils soient lancés par divers bureaux gouvernementaux au pays et à l’étranger, prévoient souvent la participation ou un partenariat avec des ministères fédéraux et provinciaux, des organismes de la société civile, des universités, des industries, des chambres de commerce, des gouvernements étrangers et des groupes autochtones afin de maintenir et de confirmer l’approche multilatérale du Canada. S. : Revenons aux principes directeurs ; qu’en est-il au juste ? J. S : Avant d’évoquer les principes directeurs à l’endroit des sociétés minières canadiennes, il faut rappeler la définition pour le gouvernement canadien, de la RSE : c’est la façon dont les entreprises intègrent les préoccupations d’ordre social, environnemental et économique dans leurs valeurs et leurs activités de manière transparente et responsable. La stratégie RSE du Canada se décline donc en quatre piliers. Le premier porte sur la promotion des principes directeurs et de lignes directrices, lesquelles sont aussi au nombre de quatre à l’intention de nos compagnies extractives à l’étranger : il s’agit des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, des critères de performance de la Société financière internationale (SFI) en matière de viabilité sociale et environnementale, lesquels orientent l’exploitation générale d’une mine. Ces critères guident la conduite des entreprises dans huit domaines : l’évaluation sociale et environnementale et les systèmes de gestion, la main-d’œuvre et les conditions de travail, la prévention et la réduction de la pollution, l’hygiène, la sécurité et la sûreté communautaires, l’acquisition de terres et les déplacements forcés, la conservation de la biodiversité et la gestion durable des ressources naturelles, les populations autochtones et l’héritage culturel. Dans environ 80% des cas, les institutions qui financent les projets de l’industrie extractive dans le monde ont adopté des pratiques de prêt conformes aux critères de la SFI (principes de l’Equateur). Un autre principe et non des moindres porte sur la sécurité et les droits de l’homme qui servent de guide pour les opérations dans les zones de conflit et le déploiement des forces de sécurité. Ce sont des lignes directrices visant à aider les entreprises du secteur de l’industrie extractive à anticiper et à atténuer les risques associés au recours à des services de sécurité publique et privée de manière à ce que les activités des entreprises soient protégées sans violation des droits de l’homme. Enfin, le dernier principe a trait à la Global Reporting Initiative, un outil servant à la préparation des rapports sur la RSE. Elle traduit des principes liés à l’établissement de rapports ainsi que les directives et des indicateurs pour les organisations de toutes tailles et de tous secteurs, indicateurs largement reconnus comme étant la norme internationale de facto en matière de rapport. La Global Reporting Initiative fournit ainsi des lignes directrices sur la façon de rendre des comptes sur les pratiques et le rendement en matière de RSE. S. : Quel soutien apporte le gouvernement canadien aux entreprises qui donnent l’exemple en matière de responsabilité sociale ? J. S. : Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, en partenariat avec celui des Ressources naturelles et ACDI (Agence canadienne de développement international) ont pour mandat de promouvoir la stratégie RSE du Canada adoptée en 2009. Les missions diplomatiques avec l’appui de l’administration centrale (Ottawa) ont pour mission de déployer des initiatives et des actions conformes au plan et à la stratégie du gouvernement pour promouvoir cette stratégie. Au niveau sous-régional, nous organisons, chaque année, un atelier pour l’information et la sensibilisation de tous les acteurs. Nous avons également entamé un processus d’adaptation du Guide d’information minière pour l’Afrique de l’Ouest . Ce guide explique aux communautés locales ce qu’est une mine à travers ces quatre phases (exploitation, aménagement, production, fermeture).Il met l’emphase sur les menaces et opportunités de chaque étape et propose des solutions pour juguler les menaces. Au Burkina Faso, la mission a organisé des tables rondes, des ateliers et participé à plusieurs rencontres sur la RSE où elle a fait la promotion de celle-ci. Le mandat du bureau de la conseillère en RSE s’applique exclusivement aux activités des entreprises extractives canadiennes présentes à l’étranger. S. : La démarche RSE encourage la création de fondations. Mis à part la SEMAFO, les autres sociétés minières sont moins actives ; pourquoi ? J. S. : La question de la fondation est du ressort des moyens, ce n’est pas une finalité en termes de pratiques RSE. Certaines sociétés ont aussi opté pour la mise en place de direction en charge de la RSE au sein de l’administration de la société minière. Donc, soit c’est l’un, soit c’est l’autre. Le cas des fondations comme c’en est avec SEMAFO, est un procédé qui vise à reverser directement une partie des bénéfices de la société à une entité financièrement autonome et qui déploie des projets sociaux. Ce n’est donc pas que les sociétés qui n’ont pas de fondations font moins dans la RSE, mais c’est tout simplement qu’elles ont une autre démarche. S. : Vous avez une longueur d’avance sur la thématique de RSE ; est-ce qu’ici vous avez le sentiment que le gouvernement burkinabè se soucie de la RSE ? J. S. : La pratique de la responsabilité sociale de l’entreprise doit répondre à certains critères. Elle n’est pas seulement du ressort de l’entreprise. Le gouvernement, tout comme la société civile, la communauté locale, chacun a ses responsabilités. Une entreprise ne peut pas se substituer à un gouvernement. Les rapports doivent se mener en partenariat avec un certain équilibre. Une société minière ou une entreprise s’insère dans un milieu humain et les conditions de son succès, les intérêts de l’entreprise doivent être en harmonie avec les ambitions et les aspirations des composantes de son milieu d’implantation. Il faut que chaque acteur soit conscient de ses responsabilités et les assume. A chaque fois que nous avons évoqué la thématique, nous avons vu des responsables du gouvernement prendre part activement aux débats. Il est maintenant envisageable que le gouvernement lui-même s’approprie sa propre stratégie en matière de RSE. Cela va aussi dénoter de sa réelle volonté d’avoir une politique efficiente en matière d’initiatives dans l’industrie extractive et dans une perspective réelle de développement durable. S. : Quelle peut être l’importance de la gouvernance minière pour le Canada ? J. S : La RSE fait partie de la gouvernance minière qui regroupe d’autres instruments tels que l’Initiative pour la transparence dans l’industrie extractive (ITIE) et le processus de Kimberley. La forte présence d’investisseurs canadiens en Afrique de l’Ouest en général et au Burkina Faso en particulier , fait que la gouvernance minière pour le Canada dans cette région, revêt un intérêt particulier et notre stratégie RSE qui fait partie intégrante de cette gouvernance, vise à renforcer, certes, l’avantage canadien, mais aussi à impulser une dynamique pour une gestion transparente, responsable et durable des ressources naturelles dans les pays où nos compagnies sont présentes. Pour ce faire, nous renforçons notre collaboration avec le gouvernement burkinabè et plus largement, nous envisageons de renforcer notre collaboration avec l’UEMOA afin que la RSE soit une réalité partagée par tous. S. : Au-delà des journées d’échanges, que comptez-vous faire pour une bonne appropriation du concept par les Burkinabè ? J. S : L’ambassade continuera ses actions de sensibilisation et d’information sur le RSE au Burkina Faso avec l’ensemble des parties prenantes (gouvernement, compagnies minières, communautés locales) et des parties concernées (ONG, OSC, médias, populations, chercheurs, etc.) Nous allons aussi œuvrer au processus d’adaptation et de vulgarisation du guide d’informations minières. S. : Quels sont aujourd’hui les centres d’intérêt de la coopération canadienne au Burkina Faso ? J.S. : La coopération canadienne n’intervient pas directement auprès des communautés locales au Burkina .Cela dit, elle accompagne différents projets et programmes en appui au gouvernement du Burkina Faso. Les secteurs concernés sont l’éducation de base, la micro-finance, le secteur productif agricole avec les filières bio-alimentaires. Enfin, la question du genre dans le sens de la bonne gouvernance. Entretien réalisé par Ismael BICABA Bicabaelbicab@gmail.com Sidwaya


26/07/2011
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