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Boukary Kaboré dit Le Lion : "Je suis l’unique politicien du Burkina"

Boukary Kaboré dit Le Lion : "Je suis l’unique politicien du Burkina"

jeudi 13 octobre 2011


Depuis la présidentielle de novembre 2010, les Burkinabè n’avaient plus entendu les mugissements de celui qui porte le sobriquet « Le Lion ». Boukary Kaboré, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a accepté répondre aux questions de Le Progrès. Militaire dans l’âme, il s’est engagé en politique pour défendre un idéal. Libéré de l’armée, il s’est converti dans l’agriculture. Patron du Parti pour l’unité nationale et le développement (PUND), le Lion est resté le même, tonitruant, affable, vif dans ses gestes et ses propos. Le temps avec lui ne semble pas avoir de limites. Tant il semble vraiment avoir beaucoup à dire. Et sur toutes les préoccupations.

Le Progrès (L.P) : Le Lion a la nostalgie de l’armée…. !

Boukary Kaboré dit Le Lion (B.K L.L) : Le milieu de l’armée ? La nostalgie de quoi ? J’ai servi l’armée non ! Il me manque quoi là où je suis assis ?

Le Progrès (L.P) : Monnayer vos expertises encore…

B.K L.L : Mais si je suis fatigué ! Il faut que je fasse la place à la jeunesse montante ! Cette jeunesse montante doit pouvoir remplacer ceux qui sont fatigués. A un certain âge on prend la retraite. Notre armée a connu de valeureux hommes tels les Généraux Baba Sy, Aboubacar Sangoulé Lamizana, les colonels Yorian Gabriel Somé, Saye Zerbo, le Commandant Moumouni Ouédraogo, les Colonels Félix Tiemtarboum, Mantoro, et j’en passe, qui sont soit à la retraite ou rappelés à Dieu. Mais l’armée d’aujourd’hui, connaît une nouvelle vague de cadres.

L.P : Ceux qui vous connaissent associent volontiers à votre sobriquet Le Lion des pouvoirs mystiques…

B.K L.L : C’est ce qu’on dit. Moi-même je n’arriverai pas à vous convaincre. Parce que vous avez déjà des a priori. Ce que je sais, c’est que je jouis vraiment d’une parfaite santé physique. Maintenant, côté militaire, j’ai fait une formation complète. J’ai fait la vie militaire depuis l’école primaire. Le MPA (ancienne école primaire militaire) le PMK (Prytanée militaire du Kadiogo), pour aller continuer dans une école militaire supérieure à Yaoundé (Cameroun), l’Académie militaire de Yaoundé. 3 ans pour finir sous-lieutenant. Et je suis reparti faire 4 années encore à l’institut de la jeunesse et des sports pour sortir professeur certifié d’EPS. Si vous partez au Cameroun on va vous demandez où est Kaboré Boukary ? Regardez (il fait des pompes en s’appuyant sur les accotoirs de sa chaise pour se soulever)….ça c’est la pratique.

L.P : Le Lion comme symbole ?

B.K L.L : Le corps para commando (Bataillon d’intervention aéroporté : BIA) que je commandais avait pour emblème le Lion. Le lion pour quoi c’est l’exemple de la force et de l’honneur. Qui ose gagne. Parce que le parachutiste se veut le justicier du monde. Il a la puissance, donc il ne faut pas qu’il soit con. Il faut qu’il soit là pour effectivement servir et protéger les faibles. C’est pourquoi je dis que nous, nous regardons le monde d’en haut. Il faut faire le tour d’horizon pour éviter les accidents et bien percevoir pour ne pas se tromper de cible. Quand on dit d’aller tuer tel, il ne faut pas aller tuer tel autre. Il faut savoir que c’est lui l’ennemi et non le citoyen lambda. Le nom est venu comme cela et les autres se sont faits appelés lionceaux. Maintenant, ce qui s’est passé pendant la guerre, pendant certaines de mes activités ne tiennent pas au ’’wack’’. C’est du physique. Si vous me demandez de courir, je cours. Vous me demandez de donner un coup à un ennemi, je le terrasse et puis sa mâchoire est cassée ! On m’a dit que j’ai disparu mais vous me voyez bien assis (rires) ?

L.P : Peut-être que c’est aussi la puissance du ’’wack’’ qui nous donne l’impression d’être en face de Le Lion !

B.K L.L : Rires. C’est pour cela que j’ai dit que je ne pourrai pas vous convaincre. Rires

L.P : Le Lion, serait beaucoup sollicité à l’extérieur est-ce exact ?

B.K L.L : Pour quoi ?

L.P : Vendre votre expertise ?

B.K L.L : Non ! Moi, je suis un militaire conscient ! Pour quoi irai-je servir à l’extérieur ?

L.P : Pour appuyer le système des Nations Unies par exemple…

B.K L.L : Les nations unies c’est quoi ? C’est une organisation qui n’existe plus.

L.P : Il y a quand même des militaires qui y travaillent ?

B.K L.L : Ce sont des bourgeois qui bouffent là-bas. L’ONU n’a plus son sens. C’est comme la SDN (Société des Nations) qui était ’’cadavrée’’ , et qui a été remplacée par l’ONU . Les missions onusiennes, c’est pour se faire de l’argent. Un point un trait. Ce n’est pas une mission militaire ! Une mission militaire c’est pour aller faire la guerre.

L.P : Le Lion, c’est l’expérience des périodes de la Révolution et aujourd’hui l’aire démocratique. Ça crée certainement parfois un choc...

B.K L.L : Pour moi il n’y a même pas de barrière ! La révolution c’était la démocratie ! C’est la même chose. Ça dépend maintenant de la compréhension de la démocratie. Les gens ont falsifié la démocratie. Aujourd’hui, le baromètre de la démocratie ce sont les élections. Elle est vidée de tout son sens. Il faut éduquer les populations d’abord. Votre démocratie-là est falsifiée. Que les intellectuels conscients montrent la voie à suivre. Quand le peuple va atteindre une plateforme d’autosuffisance du minimum, on parlera alors de démocratie parce que chacun saura quoi choisir. Et c’est ce que la Révolution était venue pour faire : éduquer le peuple.

L.P : C’est le rôle des partis politiques dont le vôtre…

B.K L.L : Non, les partis politiques ne sont là pour ça. Ils sont là pour se faire de l’argent. Les gens luttent pour être député et aller prendre de l’argent à l’Assemblée. Les gens luttent pour le financement des partis afin d’achever leur maison

L.P : C’est donc ce qui vous a motivé à créer le PUND (Parti pour l’unité nationale et le développement) ?

B.K L.L : Non, moi je suis en train de cultiver mon champ. C’est ça qui m’intéresse.

L.P : Que devient votre parti alors ?

B.K L. L : J’ai créé mon parti, c’était pour appeler les gens à l’unité. Ils n’ont pas compris donc je suis maintenant, très très déçu. La panoplie de partis d’opposition est de la pagaille !

L.P : Vous avez donc contribué à cette pagaille parce qu’au lieu de créer le PUND, vous auriez du intégrer par exemple une formation politique

B.K L.L : Derrière qui ? Derrière qui ?

L.P : Il y en a beaucoup ! Des Sankaristes , des Indépendantistes, des socialistes, etc.

B.K L.L : Remarquez que les gens auraient pu eux aussi venir s’aligner derrière moi.

L.P : Mais ils étaient là bien avant vous !

B.K L.L : Qui ?

L .P : Les autres politiciens ?

B.K L.L : Moi, je suis un exilé donc je suis l’unique politicien du Burkina. Si vous l’ignorez c’est votre problème.

L.P : L’un de vos fidèles compagnons, Mamadou Kabré, vient de créer le Parti républicain pour l’indépendance totale (PRIT-Lannayan). Comment avez-vous accueilli la nouvelle ?

B.K L.L : Je l’ai accueilli comme cela. C’est propre.

L.P : En aviez-vous eu vent ?

B.K L.L : Est-ce qu’il a besoin de m’informer, je ne suis pas… Voilà, c’est votre démocratie- comme ça.

L.P : Vous avez battu campagne ensemble et il était vraiment un fidèle de Le Lion ! J’ai du mal à vous voir sans lui et vice-versa. Vous vous souvenez de votre dernière conférence de presse au Centre national de presse Norbert Zongo, il a défendu le parti et votre idéologie avec brio !

B.K L.L : Rires. Ah oui, ça vous intéresse beaucoup ! Pourquoi voulez-vous me divertir ? Rires.

L.P : Après ce qu’il convient d’appeler ’’affaire Joseph Ouédraogo’’, le départ de Mamadou Kabré est quand même un gros choc !

B.K L.L : Il est libre de ses opinions. Nous sommes en démocratie. Moi je suis un démocrate. S’il est à l’aise à côté tant mieux. C’est vous les journalistes qui dites que les chefs de partis préfèrent être tête de souris que queue de lion !

L.P : Etes-vous prêt à vous aligner derrière un parti politique ?

B.K L.L : Quelle est la conviction qui guide ce parti politique ? Quel est le journaliste qui a eu le temps, un seul jour, de dire que ce n’est pas normal que Le Lion, cet officier de l’armée, cultive son champ ?

L.P : L’agriculture, c’est votre choix… !

B.K L.L : Non ! Je regrette. Moi je suis en justice depuis-là pour la restitution de mes droits. On attend que je meure pour en faire une préoccupation et hurler comme pour Norbert Zongo, Norbert Zongo pour se faire voir. Quand le Lion va mourir, c’est là qu’il y aura beaucoup de littérature sur lui. Il y a combien d’intellectuels qui ont la trempe du Lion et qui sont capables de laisser leur poste pour aller cultiver leur champ ? Combien sont-ils ? Moi je ne suis pas cet opposant-là qui part s’aligner derrière Blaise Compaoré et dire qu’il est opposant !

L.P :Vous faites allusion à qui ?

B.K L.L : Vous ne voyez pas la Mouvance ?

L.P : C’est connu de tous que la mouvance n’est pas une opposition !

B.K L.L : Vous voulez que moi je donne un exemple ? Je viens de mon champ, mon petit.

L.P : De qui avez-vous peur ?

B.K L.L : Si vous ne voyez pas c’est que vous êtes aveugle.

L.P : Seulement un seul exemple !

B.K.L L : Comme vous voulez un exemple, je vais vous montrer que je n’ai pas peur. Je te donne un seul nom. Un seul nom. Il y a Gilbert Ouédraogo.

L.P : Mais c’est un secret de polichinelle ! Puisque tout le monde sait qu’il accompagne le programme du chef de l’Etat….Il n’est donc pas de l’opposition !

B.K L.L : Comment ça ! Il a géré l’opposition pendant combien de temps ? C’est parce qu’on a senti qu’il commence à être un peu incontrôlé qu’on a arraché ça pour donner à maître (NDLR : Stanislas Benewendé Sankara) !

L.P : Quelle appréciation faites-vous du boom de partis politiques au Burkina ? Plus de 160 partis….

B.K.L L : C’est l’expression de la mal gouvernance.

L.P : N’est-ce pas plutôt l’expression du multipartisme qui est reconnu par la constitution comme une disposition intangible !

B.K.L L : Il ne peut pas être interdit, mais il peut être limitatif. C’est nous qui avons rédigé la constitution, on peut donc la modifier !

L.P : Pourquoi ne voulez-vous pas que les Burkinabè jouissent pleinement du multipartisme ?

B.K.L L : On a créé plusieurs partis, c’est diviser pour régner. C’est tout !

L.P : Et puis vous vous laissez embarquer en créant votre parti ? On vous a tendu un piège et vous y êtes tombé !

B.K L.L : Je regrette. Je ne suis pas tombé dans le piège. Vous vous amusez. Je parle, vous ne me comprenez pas. Le PUND (son parti politique), je l’ai crée pour permettre aux gens de se réunir. L’union, développement. Quand on a rédigé les textes, tout le monde les a lus et a laissé une impression positive. Par la suite on s’est rendu compte qu’il y avait des couacs. Un parti improvisé comme cela ne peut pas fonctionner. C’est pour cela le PUND est resté comme cela. (Il tape la table). On a notre récépissé, on va se mettre en observation jusqu’à ce que les gens reviennent à de meilleurs sentiments.

L.P : Que faites-vous pour que les gens sachent que vous avez un projet de si noble ?

B.K.L L : Ecoutez, c’est votre rôle-là ! Vous êtes venu, les gens auront l’écho. C’est à vous de venir vers moi !

L.P : Après la campagne présidentielle de novembre 2010, vous vous êtes éclipsé. N’est-ce pas dangereux pour un politique de laisser vide le terrain alors qu’à chaque jour suffit la naissance d’un parti politique au Burkina ?

B.K L.L : C’est à vous d’aller chercher l’information pour la publier. Ecoutez…

L.P : La classe politique nationale est en pleine ébullition avec les rentrées politiques, les rencontres avec les militants, vous semblez en marge !

B.K L.L : Le Lion n’a pas besoin de se faire connaître. On me connaît déjà. C’est à vous de dire que par rapport à l’actualité, tout le monde a donné sa position et il faut qu’on s’approche de lui pour avoir sa position. Comme ce que vous êtes en train de le faire si bien actuellement. Ce que le Lion va dire-là, il ne faut pas que ce soit mélangé à la salade des autres. Moi je travaille dans mon champ sous le soleil et les gens sont assis ici sous les climatiseurs, ils appellent les journalistes pour donner des conférences de presse.

L.P : De quoi est faite une journée de Le Lion ?

B.K L.L : Elle est faite seulement de travaux champêtres. Je viens de mon champ. J’ai suffisamment reboisé. Chaque matin j’y suis. C’est le début des récoltes. Les femmes ramassent le haricot. Nous sommes actuellement en train de désherber. J’ai plus de 700 pieds de manguiers, d’orangers, etc.

L.P : Vous y gagnez beaucoup ?

B.K.L L : Ah oui ! Sinon j’allais être un mendiant. Je suis fils de paysan. Cultiver c’est par amour. Dès que je suis rentré de mon exil, on m’a demandé ce que je voulais faire et j’ai dit que je veux cultiver.

L.P : On, c’est qui ?

B.K L.L : Vous voulez que je vous dise ! On là, c’est le pouvoir.

L.P : Vous voulez dire Blaise Compaoré ?

B.K L.L : Laissez comme cela. On m’a demandé, j’ai dit je veux cultiver. On me dit non, comme tu es officier… J’ai dit que je veux cultiver. On dit, après on va voir. J’ai lutté pour arracher une réhabilitation qui a été la condition première pour mon retour. Mais cela a été fait avec retard, histoire de me chasser. J’ai entamé la lutte et c’est 11 ans après que le Conseil d’Etat m’a donné raison. Le 24 novembre 2006, le verdict tombe pour dire que le capitaine Boukary Kaboré a raison donc il faut lui donner ses droits. Et on attend le 28 juin 2007 pour s’exécuter. Et puis dire, on le réhabilite, on le met commandant et on le met à la retraite directement. En 2007, le Lion avait 57 ans. Il est né un 22 mai. Donc on va attendre de 2006 jusqu’après le 22 mai. Comme ça il sera frappé par la limite d’âge de commandant et on le fout à la porte. Le 28 juin, les papiers tombent : décret, réhabilitation, décrets nomination et promotion, décret mise à la retraite. Ce qui est faux. Parce que de 1995 à 2007, il ne peut pas être commandant de cette armée. Le Lion ne peut pas attendre 8 ans pour une promotion en grade Je suis militaire, oui ou non ? Je suis officier, je suis intelligent. C’est comme ça.

L.P : Le 15 octobre, c’est dans quelques jours. Quel sentiment vous environne ?

B.K L.L : C’est une journée de réflexion. Ce n’est pas une journée de bombance. C’est le jour où le leader de la révolution, Thomas Sankara, a été assassiné. Avec le temps, on a laissé tomber mais on ne peut pas l’oublier.

L.P : Le Burkina Faso a vécu des moments difficiles au plan sociopolitique, avec l’entrée dans la danse des militaires. Comment les avez-vous vécus ?

B.K L.L : Le peuple n’a pas vécu de moments difficiles. Le peuple à manifesté son mécontentement et le pouvoir a eu des sueurs froides. Le militaire, c’est quelqu’un qui veut être commandé. Quand vous avez un soldat, il veut être commandé. Et si le chef ne veut pas le commander le soldat va commander le chef. C’est cela qu’on a vécu. Donc pour moi, ça ne me fait ni chaud ni froid. C’est une logique. Le soldat demande simplement à être commandé. Point barre.

L.P : Votre avis sur le CCRP…

B.K L.L : Dès le départ, j’ai donné mon point de vue. On aurait dû créer une commission au lieu d’un ministère. Il y a des textes plausibles qui sont écrits. On peut les utiliser pour améliorer la gouvernance. Les textes que les gens ont écrits (le collège des sages par exemple) sont là ! Ces textes peuvent permettre d’améliorer la gouvernance ! Le peuple doit être éduqué dans le système de vote par exemple, remplacer le vote secret par le vote direct. Donc des problèmes demeurent. Je pense qu’il faut trouver un autre système.

L.P : Comment préparez-vous les élections couplées de 2012 ?

B.K L.L : Très bien. Les préparatifs vont bon train.

L.P : La CENI a une nouvelle équipe. Quelle appréciation en faites-vous ?

B.K L.L : Je trouve qu’on peut se passer à l’aise de beaucoup d’organes dans ce système. Quand je parle d’élections directes, est-ce qu’ona a besoin d’une CENI pour ça ? On n’a pas besoin de quelqu’un pour contrôler. Tout le monde est là, on a compté c’est 10, 20, on marque devant tout le monde. Je ne dis pas qu’il n y aura pas de fraude. Mais au moins on va les minimiser. On peut se passer de beaucoup d’organes. Trop d’organes, à bas !

L.P : Qu’est-ce que vous avez à ajouter en guise de conclusion ?

B.K L.L : Il n y a pas de problème particulier. Mais il faut qu’on soit logique : pour que la démocratie soit viable au Burkina Faso, il faudra qu’on accepte que nous sommes tous des mortels et qu’on accepte les différences. Quelque soit ma compétence, je dois céder ma place à un frère pour que lui aussi fasse ses preuves.

Entretien par Oumar OUEDRAOGO & Francis DA

Le Progrès



13/10/2011
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