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Autopsie pré-mortem de la 4ème République : Avec ou sans Blaise COMPAORÉ, comment désamorcer la bombe sociale ?

Autopsie pré-mortem de la 4ème République : Avec ou sans Blaise COMPAORÉ, comment désamorcer la bombe sociale ?
 

blaiseLa situation que vit le Burkina Faso n’est pas singulière à notre peuple. Beaucoup d’autres peuples avant nous ont connu ce type d’impasse. Les plus grands savants, des temps anciens à nos jours, ont démontré que toute gestion qui prend les directions que nous avons connues, depuis le début du règne de la Rectification de la Révolution Démocratique et Populaire (RDP) à celui de la 4èmeRépublique, conduit toujours à ce que nous connaissons aujourd’hui.

Notre pays est malade et nous l’avons dénoncé dans plusieurs de nos précédents articles, avec quelques fois des solutions. Ce matin, c’est pour une fois de plus montrer la voie vers la consolidation de la Nation burkinabè que nous revenons, puisque tout porte à croire que la paix sociale est gravement menacée, si l’on s’en tient aux propos relayés par les médias.

Selon nous, il n’y a pas meilleur argument pour illustrer la situation de l’État au Burkina Faso, que de convoquer Ibn KHALDOUN (1332 – 1406) à notre débat. Qui, mieux que ce grand savant arabe qui allia pensée et pratique politique, d’Orient en Occident, peut nous inspirer sur la gouvernance et l’État ? Sur la base de sa pensée, nous allons tenter un rapprochement avec la situation sociopolitique nationale pour en déterminer ensuite, avec « l’ordonnance médicale » de MACHIAVEL, les voies qui nous permettront de restaurer un climat sain dans un Burkina véritablement intègre.

Voici ce que KHALDOUN pensait du gouvernement : « Si le gouvernement voulait agir avec franchise, éviter la partialité, renoncer à la corruption et à la fraude ; s’il marchait droit sans s’écarter du sentier de la rectitude, l’or pur et l’argent de bon aloi (en fait de science) auraient une valeur réelle sur son marché ; mais s’il se laisse conduire par ses intérêts personnels et par ses préjugés, s’il se remue au gré d’intrigants qui se font les courtiers de l’injustice et de la déloyauté, alors les marchandises falsifiées et la fausse monnaie (de l’érudition) y auront seules du cours. Pour en apprécier la valeur, le juge clairvoyant doit porter en lui-même la balance de l’examen, la mesure de l’investigation et de la recherche ».

« Eurêka » ! Lorsqu’Archimède cria sa joie indescriptible, suite à la perception d’une lumière (la vérité sur la pesanteur des corps), il venait de sortir des ténèbres de l’ignorance, caractérisés par une absence de vérité. À l’image d’Archimède, tout homme se surprend à émettre ce type d’exclamation à la découverte de toute vérité.

La vérité est l’essence de toute chose, de toute vie, de toute organisation, parce qu’elle est en elle-même lumière et apporte la lumière à laquelle chacune d’elle aspire. Lorsqu’une chose, une vie ou une organisation cesse de tendre vers elle, de s’en abreuver, de façon permanente, elle cesse d’exister. C’est exactement le cas de l’œil. Plus il prend de l’âge, plus il a besoin de lumière pour voir ce que ses jeunes années lui permettaient beaucoup plus aisément. Tout ceci pour dire simplement ce que peut être l’état d’esprit d’un peuple que la vérité a cessé d’éclairer en bientôt trois décennies. Cela nous oblige à répondre à la première préoccupation d’Ibn KHALDOUN : est-ce que le gouvernement du Burkina Faso, sous la 4ème République, a toujours agi avec franchise pour servir au peuple la vérité ?

 

De la franchise au sommet de l’État :

 

En réalité, puisqu’on ne peut faire le procès de ce qui est éteint (la Révolution démocratique et populaire (RDP) ou Révolution du 4 août), l’histoire s’en chargera lorsqu’elle disposera de tous les éléments de preuve pour le faire, il y a nécessité pour nous de concentrer toutes nos forces sur ce qui ne l’est pas : la 4ème République et son gouvernement. Pour lui, tout part du soir du 15 octobre 1987. Y a-t-il eu de la franchise dans le dénouement tragique qui a conduit à la chute de la RDP ? Tous les éléments de preuve montrent de façon absolue que non.

La 1ère récrimination a été de mettre sur le dos du Capitaine SANKARA un projet d’assassinat de ses trois compagnons (COMPAORÉ, LENGANI, ZONGO). L’argument inverse semble de nos jours le plus plausible au regard des témoignages auxquels nous avons eu droit depuis cette date. Ceux qui l’ont assassiné n’étaient pas à leur première tentative.

Le 2ème argument de cette absence de franchise est la cause de la mort du Capitaine : « mort naturelle ». Cette indécente qualification d’une mort violente que, du point de vue du droit, on aurait dû qualifier d’homicide volontaire, est une forfaiture majeure qui a marqué d’une tache noire les débuts calamiteux d’un gouvernement qui va se parer de costumes d’apparence moderne pour devenir fréquentable sous la forme d’une 4ème République et jouer, trois décennies durant, avec les nerfs du peuple.

Le 3ème argument se trouve dans les mobiles du « meurtre » du Capitaine (renégat, trahison, détournement, pouvoir autocratique, etc.) qui n’ont jamais été prouvés. Le développement du régime et les actes qu’il a posés, durant toutes ces années de règne, ont démontré à suffisance de quel côté devraient être portées les accusations.

Le 4ème argument de cette absence de franchise se trouve dans la plume du Constituant de 1991 qui, inspiré par le Président, a joué de ruse avec le peuple. En effet, sans souffler mot, l’inspirateur du Constituant avait des desseins cachés derrière la durée du mandat : 7 ans renouvelable une seule fois. Cela lui donnait une marge de temps suffisante pour méditer sur la prochaine ruse. Mais il avait aussi des desseins cachés derrière le caractère révisable et polémiste des articles sensibles au règne à vie.

Le 5ème argument de cette absence de franchise se trouve dans la fermeté que le Constituant a donnée à la main du Président pour tenir la justice en laisse. Un seul exemple pour illustrer cela. Il suffit de regarder du côté de la composition du Conseil constitutionnel. Sur les 9 membres (situation transitoire), en période de vache maigre, c’est-à-dire quand par le truchement des élections le Président ne contrôle plus l’Assemblée nationale, il en maîtrise 6/9, et est aussi le patron du ministre de la justice qui lui soumet les noms des personnalités candidats à ces postes. En période de vache grasse, il en maîtrise 9/9, c’est-à-dire la totalité des membres du Conseil constitutionnel.

Le 6ème argument réside dans la contradiction flagrante entre le serment du Président : « Je jure devant le peuple burkinabè et sur mon honneur de préserver, de respecter, de faire respecter et de défendre la Constitution et les lois, de tout mettre en œuvre pour garantir la justice à tous les habitants du Burkina Faso » et les actes qu’il pose ou refuse de poser. Dans ce serment, est implicitement contenue la protection du citoyen. C’est un idéal certes, mais l’histoire nous apprend que contrairement à d’autres chefs d’État (SARKOZY ou HOLLANDE) qui se battent pour que chaque citoyen jouisse de ses droits partout où il se trouve, le Président de la 4ème République n’a jamais haussé le ton, ni même prit la parole contre une violation quelconque de droits de burkinabè. Pire, des burkinabè ont maintes fois perdu la vie (accidents ou conflits) ou ont été bafoués dans leur droits sans qu’il ne montre personnellement la moindre compassion (visite aux familles, sur les lieux ou déclaration). À cela s’ajoutent les multiples crimes, qu’en trente ans de règne, la justice qu’il tient d’une main ferme, par la faute du Constituant qu’il a inspiré, n’a jamais daigné donner d’issue, par absence de franchise, dans leur résolution.

En somme, sans nous étendre davantage sur les arguments, on peut souscrire à la thèse de KHALDOUN qui allègue que cette absence de franchise est guidée par la seule volonté du gouvernement de se laisser conduire par ses intérêts personnels et ses préjugés qui lui font méconnaître la dynamique des peuples et leur mentalité relativement au temps et à l’espace.

 

De la partialité au sommet de l’État :

 

La plus grande erreur de ce début de 21ème siècle, me semble-t-il, dans l’orientation politique que la gestion des affaires des Nations et du monde prend, c’est de la résumer en un aphorisme aussi simple, comme le pensait Georges BUSH fils, après le 11 septembre 2001 : « soit vous êtes avec nous, soit vous êtes contre nous ». KHALDOUN avait été clairvoyant en conseillant d’éviter la partialité. L’on se rend compte aujourd’hui de la destination vers laquelle cette idéologie a conduit le monde. Elle a tout simplement dressé une partie du monde contre une autre, en créant des « identités meurtrières », pour reprendre les termes d’Amin MAALOUF, et dans une guerre que même les plus puissants ne peuvent gagner, une guerre asymétrique, violente et sans visage, qui nuit aux citoyens les plus faibles à travers les actes de Boko Haram, AQMI, etc.

Au Burkina Faso, il ne faut pas avoir peur de le dire, ni avoir peur des mots. C’est bien le Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP) (et son ancêtre l’ODP /MT) qui a semé et entretenu la graine de la partialité au cœur de la gouvernance de l’État.

Le 1er argument nous est inspiré par la politisation de l’Administration publique que les empêcheurs de tourner en rond ont longtemps et vainement décrié. Elle s’est traduite d’abord par la création de comités du parti au sein des structures administratives. Beaucoup d’agents et surtout de responsables se sont vus obligés de prendre la carte du parti (CDP) et d’assister aux rencontres pour ne pas perdre les avantages qu’ils avaient acquis, ou tout simplement pour qu’on ferme les yeux sur les travers et dérives que leur gestion couvait.

Le 2ème argument vient de cette intrusion malheureuse de l’amitié dans la gouvernance de l’État, que nous avons déjà dénoncée dans d’autres articles, lorsque Salif DOLOBZANGA a illuminé de son génie l’impasse qui se dressait à Blaise COMPAORÉ, en lui offrant sur un plateau d’or son association les « Amis de Blaise COMPAORÉ » (ABC), pour lui permettre de gruger le peuple et différer l’application intégrale du pacte conclu avec le peuple en 1999, après la mort de Norbert ZONGO, sous la bienveillance du Collège des Sages. Le cœur de cette pensée, on s’en souvient comme si c’était hier, a pris la forme de cette monstrueuse allégation « au Burkina Faso, nous n’avons pas le pétrole, mais nous avons Blaise COMPAORÉ », condamnée des années plus tard par le Président OBAMA dans son discours au Ghana où il a dit que l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts mais d’institutions fortes.

Le 3ème argument à l’actif de cette inférence, par ailleurs conséquence de l’ampleur du précédent argument, est la naissance et la prépondérance de la Fédération Associative pour la Paix avec Blaise COMPAORÉ (FEDAP-BC) qui a infesté tous les rouages de la gouvernance, éjectant à gauche et à droite les loups politiques tapis dans l’ombre à attendre leur heure, et érigeant de facto la partialité et le copinage en système de gouvernement. Quand les crises de 2011 ont éclaté, le peuple tout entier s’est rendu compte que le Président « ignorait tout » de ce que vivent ses concitoyens parce qu’il semble que des comptes-rendus fidèles ne lui étaient pas faits. Rien d’étonnant ! KHALDOUN l’avait prédit. À trop vouloir s’emmurer dans un système de gouvernement qui n’évite pas la partialité, le prince se remue au gré d’intrigants qui se font les courtiers de l’injustice et de la déloyauté. Tous ceux qui n’avaient pas compris cela ont été débarqués avec fracas aux dernières élections couplées, pour être remplacés par les rusés qui ont conçu et entretenus les intrigues avec leur puissante machine : la FEDAP-BC.

 

De la corruption et de la fraude au sommet de l’État :

 

Sacrilège ! Trois fois sacrilège ! Qui a osé ? La crise de 2011 ne signifiait nullement pas que le régime a perdu de sa superbe. Ceux qui l’avaient cru se sont tout simplement fourvoyés. En commanditant, puis en rendant public le rapport de la mission d’enquête du réseau parlementaire BURKINDI, qui a mis à nu les soupçons de malversations de la « Belle-mère nationale », Alizèta OUEDRAOGO, alias Alizète GANDO, le tout puissant président de l’Assemblée nationale de l’époque, Roch Marc Christophe KABORÉ, croyait bien faire. D’ailleurs, dans les propos à la presse, lors de sa visite des locaux de son institution qui venait de subir la veille la colère des militaires, il avait repris, en tant que dauphin naturel, un peu de liberté et manifesté de l’indulgence vis-à-vis des auteurs de ces actes que la main ferme de son patron va briser par la suite. Mais bref ! Revenons à notre « Belle-mère nationale ». Avec sa vingtaine d’avenants (un record tout de même, si ce n’est dans le monde, du moins au Burkina Faso), du manque de pertinence de leur motif, le rapport 2012 du réseau BURKINDI achève de nous montrer l’ampleur de la corruption au sommet de l’État. D’ailleurs, s’inspirant de cela, nombre de citoyens se sont laissés convaincre que la corruption est devenue la norme au Burkina Faso (Rapport sur le Développement Humain – Burkina 2003, page 37). Machiavel appelle cela la « corruption universelle ». À ce rythme, il n’est pas étonnant que dans tous les rapports citoyen-citoyen, citoyen-État, citoyen-collectivité, etc., chacun veuille user de ruse pour gruger l’autre. KHALDOUN avait donc raison de dire que dans un tel contexte les marchandises falsifiées et la fausse monnaie de l’érudition y ont seules du cours.

L’autre argument, et non des moindres, c’est ce qu’il nous a été donné d’observer lors des dernières élections couplées : la fraude. Un maire (Zakaria SAWADOGO) pris en flagrant délit de fraude avec des urnes remplies, le même individu, attributaire du marché de la Commission électorale nationale indépendante(CENI), pour la confection des cartes d’électeurs, dont de nombreuses autres frauduleuses ont été retrouvées chez lui, quoi de plus normal que de rendre l’opposition frileuse à l’idée d’un référendum sur la révision de l’article 37 de la Constitution ! Faut-il donc croire que c’est l’absence de rectitude au sommet de l’État qui a conduit le pays dans le gouffre que l’on sait ?

 

De la rectitude au sommet de l’État :

 

Cela nous amène à examiner l’attitude qu’a eu et a le « juge » COMPAORÉ Blaise, Président de la République, Président du Conseil des Ministres, Chef suprême des Armées, Président du Conseil supérieur de la Magistrature, Grand Maître des Ordres burkinabè, et j’en oublie certainement. Pour éviter de nous lancer dans de vaines conjectures, nous allons fonder notre argumentaire sur les principales qualités que KHALDOUN a identifié pour un tel juge : la clairvoyance, la rectitude et la capacité d’évaluation.

Du point de vue de la clairvoyance, c’est une qualité des esprits alertes. Une personne clairvoyante est dotée d’une capacité incroyable d’anticipation sur les événements. À défaut, il lui appartient, s’il détient un mandat populaire, par humilité, de s’entourer des personnels de qualité pouvant lui assurer cela. Hélas, les événements récents ont fini de nous convaincre que ce n’est visiblement pas le cas du Président COMPAORÉ. 2011 a fait suite à une autre crise militaire du milieu des années 2000, mal résolue, que le cocktail social explosif, visible à l’œil nu par tout citoyen lambda, a porté à maturité. Ce ne sont peut-être pas les personnels de qualité qui manquent dans l’entourage du Président. D’ailleurs, il me semble que beaucoup d’entre eux ont eu les meilleurs diplômes dans de meilleures écoles. On peut aisément imputer cela au fait que le Chef a atteint un tel niveau de puissance que plus personne n’ose le contredire, ni le renseigner sur ce qui ne va pas, être le porteur de mauvaise nouvelle (que dans certaines traditions on supprimait comme pour conjurer le mauvais sort). Un tableau bien peint par le rappeur SMARTY dans sa chanson « le chapeau du chef », prix RFI 2013.

Mais le revers pour le chef, dans un système où sa puissance, son autorité et sa pensée sont incontestées et incontestables, est de ne pas savoir raison gardée, de ne pas s’imposer de limite. Cela débouche forcément vers des inconduites de ses proches, des proches de ses proches, puis à un laisser-aller généralisé que plus personne ne peut contrôler. En définitive la rectitude s’absente. Les enfants qui ont joué avec l’argent de GUIRO jusqu’à faire tomber son masque ne sont pas plus condamnables que ceux qui avaient joué avec les millions de leurs parents avant eux, au nez et à la barbe des gardiens de l’État, sans être inquiétés. De même, tous ceux-ci ne sont pas plus condamnables que celui qui a laissé faire. Nous préférons laisser ici le juge de l’histoire rétablir la vérité des faits, afin que, comme Archimède, le peuple puisse crier un jour à l’unisson : Eurêka !

Enfin, l’erreur est humaine. C’est vrai ! C’est pourquoi, dans l’application de sa sentence, Dieu qui reconnaît la perfectibilité de l’homme, a prévu des aménagements pour permettre à celui-ci de se repentir et de retrouver la voie du salut. Au-delà de tout cela, tout individu qui persiste dans la faute n’est plus dans l’erreur. Il est dans la négation de Dieu parce qu’il se met volontairement du côté du mal. C’est un affront qui appelle une sentence divine sans possibilité de repentance. Quand le professeur Laurent BADO dit que le référendum est un projet mortel, c’est tout simplement une invite à l’endroit du Président à s’affranchir de la tutelle des faux érudits qui lui vendent à coûts exorbitants une tour de feu qui va le consumer. Mais cela, seul un juge capable d’apprécier à sa juste valeur la marchandise qu’il prend en échange peut le savoir. Nous doutons bien que Blaise, longtemps coupé des réalités du peuple, dispose de la juste balance pour examiner la qualité, la quantité, les usages et les conséquences du projet que lui et sa cour portent. Durant son règne, voici tous les programmes que le Président a proposés au peuple : « large rassemblement pour le développement et la démocratie », « un développement solidaire », « progrès continu pour une société d’espérance » et enfin « bâtir ensemble un Burkina émergent ». À notre connaissance, aucun d’un n’a connu d’évaluation. Le développement a-t-il été solidaire ? À quel taux ? Qu’est-ce qui n’a pas marché ? Qu’est-ce qui a marché ? Pourquoi ? Que faut-il corriger ? De là, on retient que notre « juge » n’a pas eu la clairvoyance nécessaire pour lui permettre de porter en lui-même la balance de l’examen, la mesure de l’investigation et de la recherche sur les aspirations de son peuple.

 

En passant ainsi le gouvernement et le régime de la 4ème République à la loupe du docteur KHALDOUN, les signes cliniques de leur mal gouvernance montrent qu’ils se laissent conduire par leurs intérêts personnels et par les préjugés, qu’ils se remuent au gré d’intrigants qui ont érigé la ruse, la partialité, la corruption, la fraude et l’immoralité en système de gouvernement. Ce n’est pas pour autant que l’espoir est perdu pour le Burkina.

Nicolas MACHIAVEL (1469 – 1527), autre homme politique, écrivain et philosophe, dans son Discours sur la Première Décade de Tite-Live (1531), nous montre que le peuple burkinabè peut bien s’inspirer de ses thèses pour restaurer un gouvernement libre, en possession de toute son autorité et capable d’agir en fonction de l’intérêt général, pour accomplir l’alternance et assumer le changement de façon responsable, dans un esprit de justice et de prospérité. Voici d’ailleurs son ordonnance déclinée ci-dessous.

Il part du postulat qu’ « il n’y a ni lois, ni constitution qui permettent de freiner une corruption universelle », situation dans laquelle se trouve actuellement le Burkina, si l’on tient également pour vrai le fait que même le peuple succombe à l’ultime situation de déchéance qui consiste à se laisser acheter pour remplir des stades ou répondre présent à des meetings sans y avoir le cœur. Alors, s’il n’y a ni lois, ni Constitution à même de freiner cela, on suppose que la solution doit se trouver ailleurs. Pour lui, elle réside dans la liberté, cette valeur que tout peuple dans cette situation a perdu parce que son action est guidée par quelque chose dont il n’est pas maître.

1ère solution : Les mœurs sont altérées, certes, mais pour les changer MACHIAVEL admet en premier lieu qu’il faut changer à la fois les formes constitutionnelles et les lois pour rester un peuple libre, afin de les adapter aux hommes. Concrètement, dans le contexte burkinabè, il s’agit de procéder à la modification de la Constitution et de certaines de nos lois pour les adapter au niveau d’altération des mœurs, afin de les corriger. À l’état actuel, il est évident que tout constitutionnaliste sérieux voit en notre Constitution, du fait surtout des dernières modifications proposées par le conseil des ministres du 16 octobre 2013, un vrai colmatage qui ne fait tenir la République débout que par le fait d’un simple consensus d’une classe politique qui n’a d’yeux que pour l’échéance de 2015 et rien d’autre. Il y a même lieu de se demander si cette révision, faite en l’absence du Sénat, est elle-même constitutionnelle ? Question qui appelle également une interrogation sur la constitutionnalité de l’Assemblée nationale qui a voté la loi et du Conseil Constitutionnel qui l’a validée, mais par-dessus tout, la légalité de notre Constitution sous sa forme actuelle. S’il se trouve que le pays existe sous sa forme républicaine par le fait d’un consensus, alors nous avons tous intérêt à jouer balle à terre car le plus urgent est de donner à notre pays une constitution légitimée par le peuple. Peut-être est-ce un des desseins inavoués du Président, pour arriver à la solution de TANDJA : déplacer la Constitution le moment venu, pour en installer une autre.

Selon MACHIAVEL, « La constitution d’un État, une fois qu’on a découvert qu’elle ne peut servir, doit donc être changée, ou d’un seul coup, ou peu à peu, avant que chacun en aperçoive les vices. Or l’une et l’autre de ces manières sont presque également impossibles ». S’il est vrai qu’il faut modifier la constitution pour revenir à la légalité et surtout pour éviter à d’autres, plus tard, de mûrir l’idée malsaine de la tripatouiller pour se maintenir ad vitam aeternam, en la verrouillant, il est tout aussi vrai qu’il faut que ceux qui ont le devoir de le faire doivent en avoir la qualification. C’est la condition que MACHIAVEL pose.

2ème solution : « En effet, pour que le renouvellement se fasse peu à peu, il faut qu’il soit opéré par un homme sage qui découvre le vice dans son principe et avant qu’il se développe », or Blaise n’a pas été celui qui a découvert en premier le vice de notre Constitution. « De pareils hommes peuvent très bien ne naître jamais ; et s’il s’en rencontre un, pourra-t-il persuader les autres de ce que lui seul a pu pressentir ? ». Dans le cas du Burkina Faso, l’alerte est venue de la société civile, de la presse et des constitutionnalistes. Peut-être faudra-t-il scruter de ce côté ! Sauf que la sagesse de Socrate recommande que chaque acteur s’en tienne à son rôle dans une République. Le second bémol est que « les hommes habitués à suivre certains modes de vie se déterminent difficilement à en changer, surtout lorsque les inconvénients auxquels on veut parer ne tombent pas sous le sens, mais sont présentés comme des conjectures ». Il n’est pas étonnant de voir qu’une partie du peuple, celui qui veut conserver le statu quo afin de continuer à bénéficier des avantages, se dresser contre une autre, celui qui réclame le changement afin d’apporter un ordre nouveau synonyme d’espoir et de vent nouveau. Toutes les conjectures servies à l’un ou l’autre camp, pour amadouer ou tromper l’un ou l’autre camp, ont fini de semer le trouble dans les esprits. C’est pourquoi, des érudits du rang de ceux qui ont toujours écrit, interprété ou éclairé le politique sur la valeur des inférences constitutionnelles doivent avoir le droit de nous dire ce qu’il en est. Il est mortel aujourd’hui d’empêcher leur discours, comme ce fut le cas pour le professeur IBRIGA à Ouahigouya. Mais c’est aussi mortel pour le peuple que des érudits se cachent derrière un prétexte comme celui-ci « le bruit ne fait pas toujours du bien et le bien ne fait pas du bruit » pour justifier leur silence dans le débat en cette période trouble.

3ème solution : « Quant au changement à opérer tout à coup dans la constitution, lorsque chacun reconnaît qu’elle ne peut plus servir, je dis que, quoique généralement sentie, son défaut n’en est pas moins difficile à réformer. Les moyens ordinaires non seulement ne suffisent plus, ils nuisent même dans ces circonstances. Il faut recourir à des voies extraordinaires, à la violence, aux armes ; il faut avant tout se rendre maître absolu de l’État, et pouvoir en disposer à son gré ». C’est sans doute ce danger qu’a senti Salam DERMÉ quand il mettait en garde l’opposition en disant que si ce sont les armes, c’est son parti qui les a. Mais la surenchère a continuer puisqu’à chaque fois, les autres ont affirmé qu’il faudra passer sur leurs corps pour organiser le référendum. Dans la même logique, le Comité Anti-Référendum (CAR) a dit que celui qui va sortir annoncer le référendum ne rentrera pas chez lui, ou prendra un avion pour quitter le pays. Plus récemment, une solution a été lancée par Basolma BAZIÉ, Secrétaire général de la Confédération Générale des Travailleurs du Burkina (CGT-B), invité à donner une conférence aux étudiants de l’université de Ouaga. Il a invoqué sur les ondes d’une radio FM de Ouagadougou, le droit que le peuple a de prendre le pouvoir, y compris par une insurrection armée, lorsqu’il sent que c’est la seule issue qui lui reste. Cela fait réfléchir au moment où la fin du règne de Blaise COMPAORÉ, novembre 2015, coïncide avec le 50ème anniversaire du soulèvement populaire, le 3 janvier 2016. Faut-il voir en cela la préparation d’un grand mouvement qui va déloger le locataire de KOSSYAM le 3 janvier 2016, s’il refuse de se soumettre à la volonté populaire ? Rien n’est moins sûr. Dans tous les cas, l’idée, entre-temps émise par le rappeur Basic Soul, sous la forme d’une boutade « Allons à KOSSYAM » sur le réseau social Facebook semble faire du chemin.

4ème solution : « …Le projet de réformer un État dans son organisation politique suppose un citoyen généreux et probe ; or devenir par force souverain dans une république suppose au contraire un homme méchant ; par conséquent il se trouvera bien rarement un homme de bien qui veuille, pour parvenir à un but honnête, prendre des voies condamnables ; ou un méchant qui se porte tout d’un coup à faire le bien, en faisant un bon usage d’une autorité injustement acquise ». On est en droit de se demander s’il existe ce type d’homme dans l’opposition qui puisse remplacer Blaise qui n’est plus la personne qualifiée pour conduire cette réforme. Zéphirin DIABRÉ, Rock Marc KABORÉ, Gilbert Noël OUEDRAOGO, Arba DIALLO, Me SANKARA etc. ? Encore faut-il qu’ils le prouvent.

5ème solution : Comme le contexte rend l’introduction de la liberté dans notre République obligatoire, même si elle est difficile, MACHIAVEL propose alors de « toujours la réduire à un gouvernement qui penche plutôt vers l’État monarchique que vers l’État populaire ; parce que les hommes que leur insolence rend indociles au joug des lois ne peuvent être en quelque sorte arrêtés que par le frein d’une autorité presque royale. Vouloir y réussir autrement serait l’entreprise la plus cruelle, ou elle serait impossible ». C’est vrai que dans ce siècle et avec les réalités qui sont les nôtres, il est difficile d’introduire une monarchie sur toute l’étendue du territoire national du fait de la pluralité des identités et cultures burkinabè. Le plus aisé serait un régime militaire ayant l’onction populaire, aussi bien pour redresser les mœurs que la Constitution et les lois. Mais, qui de nos experts militaires peut endosser ce costume sans s’attirer la foudre de la communauté internationale et de l’opinion publique nationale.

6ème solution : Pour restaurer un État moderne intègre au milieu d’un peuple avide lui aussi d’intégrité, il faut travailler à l’émergence de valeurs nationales. Nous avons la chance au Burkina de faire coïncider le nom de notre pays avec l’idéal de citoyen que nous voulons être : « homme intègre ». Malheureusement, la corruption, l’injustice et l’impunité ont travesti cette valeur nationale pour réintroduire dans la mentalité de chaque citoyen une prédisposition à l’incivisme, à la désobéissance civile et à la justice personnelle. La 1ère raison, nous l’avons développée longuement plus haut, est imputable à la défaillance des gouvernants. Mais, il n’y a pas qu’eux. Après eux, la responsabilité de cet échec est aussi imputable à toutes les forces organisées qui aspirent à la gestion du pouvoir d’État : les partis et formations politiques.

Quand nous avons écouté Nathanaël OUEDRAOGO, de l’Union Pour le Changement (UPC), la semaine dernière sur OMEGA FM Ouaga, nous avons été stupéfié de savoir que ce parti n’inscrivait son action dans aucun courant politique (cela a été corrigé lors de son congrès des 21 et 22 juin 2014). C’est la première fois qu’une telle information nous tombe à l’oreille (excusez notre ignorance !). C’est donc normal qu’un de leur militant se réclame « chrétien – communiste » et qu’il fût obligé de lui dire que cela n’existe pas. C’est ahurissant, mais cela est caractéristique de l’état d’abandon dans lequel les partis politiques ont laissé le peuple. Certes ce parti est jeune et ne saurait être responsable de l’absence d’éducation politique et idéologique des militants, mais ceci est une faute lourde que nous avons dénoncée dans d’autres articles.

Pour faire face à la corruption des mœurs, il faut aussi veiller à ce que la religion ne sème pas la division au sein des populations, en « apprivoisant la panthère », comme le dit Amin MAALOUF. En effet, il faut favoriser la liberté de culte dans le respect des libertés individuelles et collectives des uns et des autres. Ceci passe par la création d’un ministère du culte et des mœurs avec des objectifs clairs, puisqu’il me semble que c’est là qu’est tapie la plus grande menace contre la paix sociale. Enfin, pour les échéances à venir, il faut tout simplement ériger le « juge » CENI (Commission nationale électorale indépendante) en structure constitutionnelle autonome, dotée de pouvoir indépendant des pouvoirs traditionnels existants, afin d’éviter les interférences et les suspicions.

Signé : Ousmane DJIGUEMDE

oustehit@hotmail.fr

Lu sur http://netafrique.net/



24/06/2014
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