Abououoba

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Article 37 : "On est même plus embrouillé qu’avant"

"... J’exprime ma disponibilité à œuvrer avec tous au respect de la Constitution du Burkina Faso et j’invite tous les acteurs de la vie politique à fonder leurs pensées et leurs projets sur les dispositions de notre Loi fondamentale...". Ainsi s’exprimait le président du Faso, Blaise Compaoré, le 21 juillet 2011 lors de la remise du rapport du Conseil consultatif sur les réformes politiques (CCRP). Le moins que l’on puisse dire est que les Burkinabè sont divisés sur le sens de cette déclaration, qui a grandement retenu leur attention et qui entretient davantage le flou sur la volonté du président ; notamment au sujet de l’article 37. C’est en tout cas ce qui ressort de ce micro-trottoir que nous avons réalisé ce week-end : Assita Ilboudo (Commerçante) : "Quand ton mandat arrive à terme, tu dois débarrasser le plancher" Je pense qu’une fois que ton mandat arrive à terme tu dois débarrasser le plancher. Si tu laisses la place à d’autres, cela coupe court aux troubles, souvent regrettables, comme on en voit ailleurs en Afrique. Nous ne souhaitons pas du tout voir cela chez nous. La solution, c’est donc de renoncer au pouvoir après la restriction à deux mandats prévue par la Constitution. Me Bénéwendé Stanislas Sankara, chef de file de l’opposition : "C’est un bon signe" "J’ai pris bonne note de la déclaration du chef de l’Etat mais j’en suis fort surpris. Un chef d’Etat prête serment, jure de respecter la Constitution dont je ne sais pas dans ce discours ce qu’il y a d’extraordinaire. C’est même superfêtatoire qu’un chef d’Etat dise qu’il s’engage à respecter la Constitution. Mais pour le cas du Burkina Faso où la Constitution a toujours été tailladée, tripatouillée et où les lois n’ont aucune importance car on les viole allègrement. Si le chef d’Etat est arrivé à dire qu’il s’engage cette fois-ci, c’est un bon signe parce que ça veut dire qu’il s’engage pour une première fois à respecter la lettre et l’esprit notamment de l’article 37 qui limite les mandats. Cette disposition de l’article 37 fait que lui-même serait à son dernier mandat". Lido Thierno, journaliste à Radio Pulsar : « Il n’a pas dit qu’il ne modifierait pas l’article 37 » Ces propos du président ne m’étonnent guère. Vous savez que Blaise Compaoré a prêté serment à quatre reprises, à savoir en 1991, 1998, 2005 et 2010 ; et à chacune de ces occasions, il a toujours répété qu’il respecterait la Constitution. Cela ne veut pas dire que ce qui divise les Burkinabè aujourd’hui, précisément l’article 37, ne sera pas modifié. Il le dit à chaque fois qu’il prête serment, je trouve alors qu’il n’y a rien d’étonnant en la matière. Ensuite, il affirmé qu’il allait accompagner la mise en œuvre des recommandations du Conseil consultatif sur les réformes politiques. Là non plus, il n’y a rien de surprenant puisque c’est lui qui a demandé en 2008 et en 2009 que ces réformes aient lieu. Ce qui serait étonnant, c’est de dire qu’il n’allait pas accompagner la mise en œuvre de ces réformes. En disant qu’il va œuvrer au respect de la Constitution, je ne vois pas Blaise Compaoré dire qu’il ne va pas modifier l’article. De toute façon, on dit que la Constitution est dynamique, qu’elle peut être modifiée du jour au lendemain. Pour moi, respecter la Constitution, c’est un discours normal pour un chef d’Etat. Soumaïla Rabo, rédacteur en chef de la radio Savane FM : « Il a mis davantage le peuple dans le flou » Je pense qu’il a mis davantage le peuple burkinabè dans le flou. Il aurait pu, comme le président malien, aller droit au but puisque l’attente du peuple, c’est de savoir si oui ou non il veut rester au pouvoir. Il aurait pu aller droit au but en disant que quel que soit le sort réservé à l’article 37, il ne resterait pas à Kosyam après 2015. Je crois bien que c’est ce que le peuple attendait de lui. Malheureusement, en disant qu’il va respecter la Constitution, l’interprétation qu’on en tire peut aller dans tous les sens, y compris dans celui voulu par le CDP, c’est-à-dire sauter le verrou de la limitation afin de pérenniser le président. Et s’il respecte cette modification, par exemple, il ne se sera pas démenti. Sincèrement, on attendait autre chose de lui qu’une simple promesse de respect de la Constitution. Le flou reste entier concernant les attentes du peuple. Moustapha Sarr, directeur du Parc urbain Bangr-Wéogo : « C’est un engagement qu’il avait pris au début de son mandat » Moi, je suis heureux parce que ce sont des engagements qu’il a pris au début de son mandat. Il avait promis de défendre, de protéger et de travailler selon la Constitution, donc il le réitère. Mais surtout, ce que je salue, c’est l’appel à la contribution de chacun d’entre nous pour que le Burkina soit ce que nous voulons. Ce cadre de concertation a permis de réunir un certain nombre d’idées qui, aujourd’hui, sont bonnes mais seront peut-être dépassées demain. Hier, ce n’était peut-être pas à point, mais aujourd’hui, c’est ça. Il y a des moments où il faut marquer un arrêt pour réévaluer et ajuster ce qu’il y a à ajuster. Ce n’est pas pour autant qu’on veut fourvoyer la Constitution. Cette Constitution, c’est l’émanation de nos aspirations que l’un d’entre nous est chargé de mettre en œuvre et de garantir que les règles du jeu que nous nous sommes établies nous nous astreindrons à les respecter. Je salue cette ouverture, cette opportunité qui nous a été donnée de nous prononcer et je souhaite que les régionales et les assises nationales puissent se passer dans un climat serein. Pour celui qui trouve que c’est bien ou celui qui trouve que c’est mal, il y a un cadre pour cela. Ce n’est que dans le dialogue que nous pouvons effectivement bâtir un Burkina comme nous voulons qu’il soit. Pourvu qu’au sortir de ces réflexions on ait quelque chose qui nous unisse. Emmanuela Ouédraogo, monitrice : "Il faut observer" J’ai suivi à la télé et lu dans l’Observateur paalga la remise du rapport du CCRP au président Compaoré et des commentaires que les journalistes ont faits des propos de Blaise Compaoré quand il recevait les travaux du Conseil consultatif. Je comprends certaines personnes dans leur pessimisme. Parce que quand on revisite l’histoire récente de notre pays, on voit bien la suite que le président du Faso a donnée aux conclusions de telles structures. J’en veux pour preuve les travaux de la Commission d’enquête indépendante (CEI) et du Conseil de Sages qui n’ont pas connu une mise en application telle que souhaitée. Mais je crois que cette fois-ci il faut faire attention. Il ne s’agit pas de la même situation, car la crise a été plus profonde, comme vous les journalistes l’avez reconnu. C’est peut-être ce qui a amené le président à dire cette fois-ci qu’il va respecter les travaux du CCRP. Mais si par le passé on n’a rien respecté, on ne peut convaincre une personne qu’on le fera cette fois-ci. Alors il faut observer. Bachirou Zongo (Commerçant) : "Nous sommes fatigués des fausses promesses" Selon moi, il n’y a rien de tel que le changement à la tête de l’Etat. Lorsque le pouvoir change de main, il y a toujours de nouvelles forces, de nouvelles idées qui participent à la gestion de la chose publique, ce qui induit un développement véritable du pays. Il y a bien sûr des choses positives que le pouvoir de Blaise a pu faire jusque-là mais, à mon humble avis, il est grand temps qu’il songe à passer la main. Après donc son dernier mandat de 5 ans, il est souhaitable qu’il laisse la place à d’autres. Un seul et même individu ne doit pas exercer indéfiniment le pouvoir d’Etat comme s’il s’agissait de chefferie coutumière. L’alternance est donc nécessaire. Si malgré tout ce qui ce dit on en venait à toucher à l’article 37, c’est vrai que nous n’y pourrions rien, mais au moment des votes nous choisirons celui que nous jugerons capable de s’occuper réellement de nos problèmes. Nous sommes fatigués des fausses promesses. On nous a promis des mesures pour lutter contre la vie chère. Malheureusement, jusque-là rien n’a changé. La surenchère est plus accentuée qu’avant et nous, au bas de l’échelle, en subissons directement les dures conséquences. Tout cela est le résultat des longs règnes. Gabriel Dipama (Commerçant) : "Le changement s’impose" Mon souhait par concernant la question de la modification de la constitution est qu’on mette en avant le souci de l’alternance au sommet de l’Etat. Après les 5 ans, il faut d’autres compétences pour proposer une nouvelle démarche de gouvernance aux Burkinabè. Présentement, le constat est que tout se fait sans vrai discernement. C’est le tâtonnement. Les gourous, parce qu’ils sont dans une aisance insultante, ne se préoccupent plus du plus grand nombre qu’ils narguent en permance. Le changement s’impose aujourd’hui, et il fera notre satisfaction. Yentéma Toguyéni (Spécialiste en menuiserie métallique) : "Il n’a pas hérité de son naam" Ce qui est contenu dans la Constitution a été prescrit depuis longtemps. Je ne vois pas la nécessité de tripatouiller la Loi fondamentale qui a fait, au départ, l’objet d’un consensus. La question est de savoir pourquoi ils tiennent à toucher à la Constitution. Depuis 1987 que Blaise est au pouvoir, il a pu faire ses preuves. Il lui faut maintenant laisser la place à d’autres pour continuer l’œuvre et peut-être même faire mieux que lui. En 2015, Blaise doit quitter le pouvoir et mettre son expérience à contribution pour faire avancer la démocratie. Il est inutile de vouloir coûte que coûte tordre le cou à la Constitution, comme s’il s’agissait d’un pouvoir traditionnel. Il n’a pas hérité de son naam ; ce n’est donc pas la peine d’insister. Jean Kinda, Responsable Cellule estudiantine du PAREN : « La prudence doit être de rigueur » J’aimerais saluer l’esprit de sagesse des membres du CCRP, qui ont su mettre en avant l’esprit de la nation au détriment d’une volonté individuelle. Le discours du chef de l’Etat est sage dans la mesure où il s’engage à respecter le rapport du CCRP ; une partie de la bataille a donc été gagnée. Cependant, il va tenter de modifier l’article 37. Les membres du CDP vont chercher les voies et moyens pour outre-passer les recommandations du CCRP. Quand on sait qu’ils ont l’assemblée nationale et le référendum pour le faire, la prudence doit être de rigueur et seule l’opposition du peuple pourrait changer la donne. Inoussa Bayiré, étudiant en 4e année de Physique pure : « Respecter la Constitution n’exclut pas la modification de l’article 37 » Le président n’a pas fait de proposition concrète. Dire qu’il va respecter la Constitution n’exclut pas qu’il modifie l’article 37. Le débat sera clos le jour où il va se prononcer clairement sur la modification ou non de cet article. Le problème, c’est l’article 37. S’il ne dit pas qu’il ne le modifiera pas, le problème restera posé. Drissa Bayo, étudiant en 1re année à l’ISTIC : « L’article 37 est la clé de la stabilité » La modification de l’article 37 dépend de la volonté du président Blaise Compaoré. Je lui demande de respecter les recommandations du CCRP et de laisser l’article en l’état. Sa modification pourrait entraîner des troubles, au moment même où nous nous remettons d’une crise. L’article 37 est la clé de la stabilité aujourd’hui dans notre pays. Venance Niodogo, étudiant en 1re année de Lettres modernes : « Je suis convaincu qu’il va le faire » Modifier l’article 37 va entraîner encore des troubles dans le pays. Le mieux pour notre président serait de ne plus se présenter à la fin de son mandat. Il y va de la stabilité du pays. Malheureusement, il a l’intention de modifier et je suis convaincu qu’il va le faire. Les conséquences en seraient désastreuses en tout cas. Modeste Oubda, étudiant en 1re année de Droit : « Il va modifier l’article » Le président a dit qu’il allait respecter la Constitution. Cela veut dire qu’il peut bien modifier l’article 37 ou ne pas le faire. Au regard de la force de son parti à l’Assemblée nationale et dans toutes les localités du pays ainsi que du circuit que doit prendre le rapport du CCRP, il est évident qu’il va modifier l’article. Edith Kora, étudiante en 2e année de Lettres modernes II : « Il doit modifier l’article 37 » Je ne vois personne au Burkina Faso qui puisse diriger le pays mieux que le président Blaise Compaoré. Il doit modifier l’article 37 et continuer à redoubler d’effort pour la pacification des zones de tension afin d’avoir le prix Nobel de la paix. Après cela, il pourrait céder le pouvoir à une autre personne. Propos recueillis par Hyacinthe Sanou D. Evariste Ouédraogo Nankoita Dofini M. Arnaud Ouédraogo Moumouni Simporé L’Observateur Paalga


26/07/2011
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