Peut-être qu’après cette année perdue, 2012 va marquer le véritable top de départ. Mais il faut reconnaître tout de même que le Burkina a trébuché, renversant le canari de son développement. Mais avant de repartir à la rivière avec un autre canari, mieux vaut chercher et trouver le caillou qui nous a fait trébucher. D’abord, qu’est-ce qu’un pays émergent ? Si l’on s’en tient à ces contrées qu’on dit sortant comme des sous-marins de l’océan de la pauvreté, ce sont des pays où certains progrès ont été réalisés dans le domaine de l’éducation, de la santé, de l’agriculture et de l’Etat de droit.
Au Burkina, on aurait dû asseoir ces préalables, consolider ces fondations, avant de chercher à construire quelque chose de solide. Il faudrait qu’on se dise qu’il nous reste pas mal de choses à faire avant que la carte du Burkina ne pointe son nez dans la catégorie des pays « sous-développés » qui s’en sortent. Parce qu’au Burkina, le pays réel ne bouge guère, pendant que les mots font de prodigieux bonds en avant. De pays pauvre, on est vite passé à pays sous-développé avant de grimper allègrement sur la branche de pays en développement, puis de pays émergent. Pendant que cette course lexicale se mène avec sérieux, nous occupons d’année en année les dernières places des classements mondiaux et africains en termes de bien-être humain et matériel.
La situation n’est guère reluisante : 80% des paysans ahanent toujours dans les champs sur leurs traditionnelles et séculaires dabas ; quelques industries ont du mal à tenir le choc de la mondialisation ; les jeunes qui travaillent sont une goutte d’eau par rapport à ceux qui n’ont que les "grins" de thé comme job. Bref, les chantiers sont nombreux malgré quelques avancées notables. Aucun peuple ne refuse de se développer et les Burkinabè ont bien envie de vivre dans un pays émergent, et même dans un pays développé, car qui veut le moins, préfère surtout le plus. Mais il faut leur donner de quoi croire à cette ambition. Pour commencer, qu’ils n’aient plus l’impression que certains dirigeants ne sont là que pour les spolier, à la manière du berger qui ne conduit son troupeau au bon pâturage que pour brouter lui-même.
Cette conviction est tellement ancrée que même quand on veut bien faire, on ne vous croit pas. Le processus des réformes politiques en est l’exemple le plus patent : le principe est bon et même excellent, mais on a vite craint qu’il y ait entourloupe. Commençons donc par asseoir et consolider les fondamentaux. Si l’édifice de l’émergence veut se construire sur du sable, il s’écroulera. Mais sur un roc fait de l’alliage démocratie-justice-libertés-confiance, même les plus sceptiques contribueront à faire du Burkina Faso, non plus un pays émergent, mais un pays émergé.
Sidzabda
Le Pays