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Affaire « immeuble Sanfo » : Jusqu’au seuil de la mauvaise foi

Affaire « immeuble Sanfo » : Jusqu’au seuil de la mauvaise foi
lundi 26 septembre 2011

L’affaire de l’immeuble Sanfo qui défraie actuellement la chronique au Burkina Faso illustre toute le climat de méfiance qui prévaut entre les banques et les opérateurs économiques. L’on peut reprocher, à tort ou à raison, les premières d’être très frileuses sans pour autant perdre de vue que les seconds ne tiennent pas toujours parole. Pis, une race de commerçants a pris l’habitude de se jouer des établissements financiers. Malgré toutes les précautions prises pour s’assurer du remboursement d’un prêt, l’octroi d’un crédit revêt avant tout une relation de confiance. C’est ce que de supposés hommes d’affaires burkinabè semblent ignorés dans leurs rapports avec les banques.

Tant que ceux-ci ne se résoudront pas un mea culpa sincère et s’engager à respecter les clauses du contrat, conclu entre créancier et débiteur, leur permettant de bénéficier de l’argent remboursable pour leurs affaires, d’autres immeubles vont subir le même sort que celui de monsieur Sanfo. Parce que s’il est nécessaire pour les investissements de s’enrichir de financements, il est important que ces apports de ressources s’entourent de garanties infaillibles. D’ailleurs, sans fanfare ni tambour, plusieurs biens hypothéqués finissent ainsi chaque année et deviennent la propriété d’autres personnes sans que cela ne constitue un bras de fer entre le prêteur défaillant et sa banque. La mise en vente de l’immeuble Sanfo n’a rien d’extraordinaire en droit bancaire.

Peu importe l’identité de l’acquéreur et le montage financier qui l’a permis de se l’offrir. Ce sont là des détails qui ne sauraient remettre en cause la régularité de l’opération de vente. Supputer sur une probable « main invisible » qui se cacherait derrière cette transaction relève d’une échappatoire visant à noyer l’incapacité de Sayouba Sanfo à tenir sa promesse d’autant plus que son état de défaillance a été prouvé et reconnue par une juridiction. Celui-ci savait pertinemment ce qui adviendrait à son immeuble si jamais le prêt contracté n’est pas honoré. Pour une affaire purement privée comme celle-là, la réaction de soutien de l’Organisation nationale des commerçants du Burkina (ONACOM-B) est difficilement compréhensible dans un Etat de droit.

A moins que son action soit l’expression d’une culture de la malhonnêteté dans laquelle chacun prêche, hypocritement, pour sa propre chapelle par crainte, que malhônnête aussi avec ses créanciers, il ne subisse aussi, un jour, le sort de El Hadj Sayouba Sanfo. Même si l’on est en démocratie, ce n’est pas un bon signe pour l’image du pays que la force publique n’arrête pas une telle initiative défiant les lois en matière de financement bancaire. Ce « laisser-faire » suppose, encore une fois, la faiblesse de l’Etat en ces temps d’incertitudes sociales.

Pour un crédit acquis en 1980 dont le remboursement est arrivé à terme en 1993, si la mise en application effective de la décision juridique de la saisine de la garantie intervient en 2011, c’est que la Banque internationale pour le commerce, l’industrie et l’agriculture du Burkina (BICIA-B) a été très patiente et le propriétaire de l’immeuble hypothéqué en question avait tout le temps pour se racheter et reprendre son bien perdu par sa propre faute. Comme bon nombre de ses camarades passés dans l’art de rouler les établissements financiers, il a cru à un bluff. Le rachat de son bien immobilier n’a pas été visiblement son souci et ce, pendant dix-huit (18) ans. Le comportement actuel de Sayouba Sanfo infantilise le monde commerçant qu’il veut ameuter. « Battre le pavé, marcher à tout casser ou donner bruyamment de la voix pour protester » n’est vraiment pas le meilleur choix pour solutionner cette affaire. C’est vrai qu’un syndicat doit veiller à la défense des intérêts moraux et matériels de ses membres.

Mais pas aveuglement. Ce partenaire social a aussi le devoir de moraliser et de sensibiliser dans ses rangs. Car, il ne s’agit pas dans « l’affaire Sanfo », d’une histoire d’homme ni d’un règlement de compte. La dépossession de l’immeuble ne s’inscrit que dans l’aboutissement d’une procédure sanctionnant toute opération de crédit bancaire. La seule alternative qui s’offre à monsieur Sanfo, c’est de négocier intelligemment avec Ignace Béremwoudougou. C’est la seule issue pour reconquérir son immeuble. Puisque le vieux soutient détenir la somme afférente.

Autant les opérateurs économiques sollicitent des banques des ressources financières nécessaires pour entretenir leurs affaires, autant elles comptent sur les remboursements pour exister, fonctionner, sécuriser les fonds des déposants et ravitailler d’autres usagers. Ainsi, va le commerce de l’argent dont les principaux animateurs restent les établissements financiers. De la même manière, de peur de disparaître, les commerçants sont intransigeants avec des clients qui accumulent des marchandises impayées ; de la même manière, les banques refusent de sombrer sous le cumul des prêts non recouvrés. Il est notoriété burkinabé que des débiteurs abusent de ce principe fondamental des relations entre les banques et leurs usagers. Du fait de cette situation d’abus de confiance, des établissements financiers croupissent sous le lourd poids des créances douteuses. Pour la simple raison que face à plusieurs « Sanfo », les institutions financières sont souvent limitées dans leur bon droit d’user des décisions de justice. La voie judiciaire est parfois jonchée d’interventions et d’immixtions politiques contraires à l’éthique et à la déontologie bancaire.

Des banques comme Banque nationale de développement (BND) en ont déjà payé les frais. Et certaines telle la Banque internationale du Burkina (BIB), membre de United Bank for Africa (UBA) ont failli laisser leur peau. Certains débiteurs se sont érigés, en dribleurs et placés leurs subterfuges et feinter les banques en règles de conduite. Ils n’hésitent pas de jouer sur la naïveté de certains employés de banques en montrant un autre visage au moment de la contraction du prêt ou en utilisant habilement une collusion avec des personnes internes à l’établissement du crédit pour s’ériger ensuite en débiteurs arrogants, hors-la-loi ou colporteurs de mensonge. Pendant que leurs affaires prospèrent ou le prêt sollicité détourné à d’autres fins de m’as-tu vu (grosses cylindrées, villas cossus, etc.) que de réels investissements, la banque, prêteuse, elle, demeure confronter à d’énormes difficultés pour les amener à entendre raison, entreprendre la nécessité de respecter leurs engagements. Plusieurs dirigeants de banques et leurs responsables juridiques ont été pris à maintes reprises dans le piège de cette « cynique malice » venue des commerçants burkinabé.

De cette guéguerre, ce sont malheureusement les fautifs qui parviennent à empester l’atmosphère sociale, comme le fait actuellement Sanfo, pour crier à tout vent et prendre une posture d’une victime indigne que les banques veulent dépouiller. Et une bande « d’idiots », soit disant syndiqués ou syndicalistes, sans la moindre analyse, sont prêts à prendre partie pour une cause malhonnête. Les partisans de Sanfo doivent humblement reconnaître que le vieux n’a pas joué franc jeu avec la BICIA-B et privilégier l’option de la médiation au lieu de chercher des poux sur un crane rasé et vouloir des va-t-en guerre périlleux. Eux qui aspirent aux crédits ou l’ont déjà contracté n’en ont même pas intérêt. Instaurer un climat profond de suspicion avec les banques revient à étouffer l’aboutissement de bon nombre d’opportunités commerciales en manque de financement.

De nombreux débiteurs malhonnêtes se sont ainsi discrédités auprès des banques et établissements financiers. Cette pratique malhonnête et mafieuse de quelques brebis galeuses de la communauté des affaires n’est pas à l’honneur du paysage bancaire burkinabé. Elle ne facilite pas les mécanismes d’accès aux sources de crédit. Leur mauvais comportement vis-à-vis de la poule aux œufs d’or annihile la promotion du crédit au service de l’économie nationale en entraînant le renforcement des verrous. Le moment où des individus ont bâti leur fortune en laissant de grosses ardoises aux banques semble révolu. Les institutions financières ont compris le jeu. Elles s’entourent de la plus grande prudence et n’hésitent pas à donner le coup de massue. Etant donné que tout prêt porte sur la confiance entre deux entités et tient du respect de la parole donnée. Les relations conflictuelles entre les banques et des opérateurs économiques sont légion et ne font pas honneur au pays ainsi qu’à son climat des affaires.

En un quart de siècle de fonction, un haut cadre de banque, actuellement directeur général d’une importante structure bancaire n’a pu s’empêcher de lâcher cette confession avec un grand brin de regret : « En vingt-cinq (25) ans de carrière, ce que je redoute, c’est la ruse de nos hommes d’affaires pour ne pas rembourser la banque. Il y a un décalage inimaginable entre le langage utilisé au moment de la sollicitation du prêt et le comportement insultant après l’obtention. Le débiteur prend un air méprisant vis-à-vis du créancier et se fout de lui. Même quand la banque veut comprendre ses difficultés et revoir les échéances de remboursement. Parfois, elle est obligée de laisser tomber et considérer comme des créances douteuses. Parfois, elle se voit dans son droit d’utiliser le bâton ». Cette attitude a bien entaché l’intégrité de nombre de Burkinabé en matière de relations d’affaires. Cela pose le problème de l’assurance de la sécurité juridique pour préserver les investissements et apporter une caution de confiance autour du crédit pour qu’il serve effectivement à l’économie nationale.

Tant que la sérénité ne s’installera pas entre l’univers bancaire et la communauté des hommes d’affaires, il n’y aura pas de tremplin ni pour la croissance accélérée, ni pour l’émergence, ni pour le développement durable. L’éthique paraît encore la chose la moins partagée chez plusieurs opérateurs économiques burkinabé.

Dorcas Céleste KOIDIMA, (dorcas.koidima@yahoo.fr)

Pour lefaso.net



27/09/2011
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